Dans une industrie musicale nigériane en pleine effervescence, où l’argent et la renommée internationale coulent à flots, une nouvelle tendance émerge : celle de la réinvention des classiques de l’Afrobeats. Des producteurs audacieux, portés par la vague mondiale, ressuscitent des enregistrements anciens pour les adapter à une audience avide de souvenirs musicaux tout en s’inscrivant dans le présent.
Seize ans après la sortie de l’album « Gongo Aso » de 9ice, l’une de ses chansons phares, « Photocopy », a été revisitée sous le titre « Photocopy Reimagined ». Ce morceau, produit par ID Cabasa et interprété avec Vector, est une réinterprétation moderne qui, sans le savoir, a marqué le début d’une nouvelle ère dans la musique nigériane. Sortie en décembre 2023, cette chanson incarne une tendance croissante : celle de réexaminer les classiques pour les adapter à la sensibilité contemporaine.
Bien que l’échantillonnage musical soit une pratique ancienne, il est relativement nouveau d’entendre des morceaux récents rendre hommage aux chansons qui ont inauguré l’âge d’or de l’Afrobeats au Nigeria. Traditionnellement, ces réinterprétations se concentraient sur des icônes comme Fela Kuti ou Angelique Kidjo, mais peu s’étaient aventurées à revisiter des titres auxquels les jeunes générations – notamment les milléniaux et la génération Z – pourraient s’identifier. Cette situation est en train de changer, créant une passerelle entre passé et présent, où des classiques modernisés comme « Photocopy Reimagined » trouvent un écho auprès d’une nouvelle audience.
Joey Akan, journaliste musical, résume parfaitement cette évolution : « La nostalgie rappelle l’existence des vieux enregistrements. Aujourd’hui, les musiciens sont plus nombreux à réutiliser des échantillons parce qu’ils comprennent mieux leur valeur. » Cette tendance est bénéfique pour les artistes originaux qui voient leurs œuvres redécouvertes et pour les auditeurs qui redécouvrent des pépites oubliées du patrimoine musical africain.
Cette dynamique est également visible à travers d’autres artistes, comme Tems, qui a réinterprété « Love Me Jeje », un classique nigérian de 1999. Sa version, qui a rapidement envahi les ondes, rappelle non seulement l’importance de l’original, mais elle a aussi présenté ce morceau à un public international, faisant de lui une référence moderne.
ID Cabasa, lui-même pionnier de cette tendance, avait déjà en tête un projet de réimaginisation des classiques nigérians avant la pandémie de COVID-19. Même s’il n’a pas pu mener à bien son idée de revisiter « Love Me Jeje », il s’est réjoui de voir Tems le faire avec brio. « Love Me Jeje était sur ma liste dès le début de ce projet, mais je n’ai pas pu trouver l’artiste adéquat à ce moment-là. Quand j’ai entendu la version de Tems, je n’ai pu qu’applaudir, car c’est un classique qui mérite d’être redécouvert », confie-t-il.
Aujourd’hui, ID Cabasa prépare deux EPs composés de réinterprétations et d’échantillons de morceaux anciens. Son morceau « Olufunmi Reimagined », qui réunit Fireboy, Joeboy, BOJ, et Odudmodublvk, en est un exemple. Malgré des critiques mitigées concernant le couplet controversé d’Odudmodublvk, le titre a suscité un regain d’intérêt pour la version originale de Styl Plus, sortie en 2003, tout en apportant une touche contemporaine qui plaît aux nouvelles générations.
Cette tendance ne se limite pas au Nigeria. À travers l’Afrique, des artistes puisent dans le riche héritage musical du continent pour créer des œuvres qui résonnent à la fois avec les anciens et les jeunes. Ce renouveau de l’Afrobeats et d’autres genres africains témoigne de la vitalité culturelle du continent et de sa capacité à se réinventer, tout en gardant un lien fort avec son passé. L’Afrique musicale célèbre ainsi son histoire tout en façonnant son avenir, et le monde entier en redemande.
La Rédaction