Installés dans le département de Bakel, ces exilés venus du Mali et du Burkina Faso attendent désespérément des documents pour travailler, scolariser leurs enfants et reconstruire une vie.
Ils sont des centaines, venus de Bondokuy ou de Kayes, à avoir franchi les frontières du Sénégal pour échapper à la spirale de violences qui ravage leurs pays d’origine. Réfugiés burkinabés et maliens, souvent en famille, s’installent depuis quelques semaines dans la commune de Bêlé, dans le département de Bakel, à l’est du Sénégal, à quelques kilomètres seulement du Mali.
Mais une fois les premiers instants de soulagement passés, une réalité bien plus lourde s’impose : sans papiers, il n’est pas possible d’aller bien loin. Ni pour travailler, ni pour envoyer les enfants à l’école, ni pour accéder aux aides formelles. Le droit d’asile est reconnu, mais l’intégration reste suspendue à l’obtention de documents administratifs.
L’école, un luxe inaccessible pour les enfants réfugiés
Dans les abris précaires où ils se sont installés, les parents s’inquiètent pour leurs enfants. Aminata Ba, venue de Bondokuy, témoigne :
« On n’a pas les moyens pour inscrire nos enfants à l’école. Pour le faire, il faut de l’argent, et assurer le quotidien nous est déjà très difficile. Si tu n’as rien à manger, tu ne peux pas penser à l’école. »
Une scolarisation qui, au Sénégal, reste conditionnée à une reconnaissance administrative de leur statut, notamment pour l’accès aux structures publiques.
Des promesses, mais peu de papiers
Oumar Boly, réfugié burkinabé, raconte avoir vu passer plusieurs délégations administratives venues les enregistrer :
« Les autorités sont venues plus de quatre fois. J’ai profité pour leur demander de nous donner des documents qui vont nous permettre de travailler. On nous appelle parfois pour des activités, mais on ne peut pas y aller parce qu’on n’a pas de papiers. »
Un constat amer partagé par beaucoup : sans carte de réfugié ni permis de séjour temporaire, impossible d’accepter un emploi, de voyager à l’intérieur du pays ou de prétendre à un logement décent.
Une enquête sécuritaire préalable obligatoire
Du côté des autorités locales, on se veut rassurant, mais on admet la lenteur du processus. Le 2e adjoint au maire de Bêlé explique :
« Il faut d’abord les interroger, savoir qui ils sont vraiment. C’est pour que les enquêteurs puissent avoir des informations nécessaires sur eux. »
Cette étape de vérification d’identité, jugée indispensable pour des raisons sécuritaires, freine néanmoins une prise en charge rapide, surtout dans un contexte de flux constant. Car les arrivées continuent.
Un défi humanitaire aux portes du Sénégal oriental
Le département de Bakel, situé dans une zone déjà peu dotée en infrastructures, voit ses capacités d’accueil saturées. Si l’élan de solidarité existe, il se heurte aux limites des budgets municipaux et de l’État, déjà mis à rude épreuve.
Les ONG présentes sur place appellent à une coordination plus rapide entre les services de l’asile et les collectivités locales pour accélérer la délivrance de documents, seule garantie d’une insertion digne.
Derrière chaque visage rencontré à Bêlé, il y a une fuite, une peur, mais aussi un espoir : celui de pouvoir recommencer. Pour ces familles réfugiées, l’urgence n’est plus de sauver leur vie — c’est de pouvoir en reconstruire une.
La Rédaction

