Inondations, exode massif, menace rebelle : dans l’est du pays, Kalemie se bat pour survivre, entre instabilité persistante et fatigue humanitaire.À Kalemie, le calme est revenu, mais il reste précaire. Deux mois après des inondations qui ont ravagé maisons, routes et commerces, cette ville stratégique de l’est congolais tente de se remettre debout. Capitale de la province du Tanganyika, Kalemie n’a pas seulement dû faire face à la montée des eaux : elle vit également dans l’ombre de la rébellion du M23, active à quelques centaines de kilomètres.Les dégâts causés par les pluies de mai sont encore visibles : trottoirs disloqués, quartiers entiers en reconstruction, familles réfugiées sous des bâches de fortune. Plus de 10 000 sinistrés ont été recensés, en plus de milliers d’autres déplacés venus du Nord et du Sud-Kivu, fuyant les combats entre groupes armés et forces loyalistes.Une paix encore incertaineLe 27 juin, un accord de paix a été signé à Washington entre Kinshasa et Kigali, censé calmer les tensions entre la RDC et le Rwanda, accusé de soutenir le M23. Mais à Kalemie, la méfiance demeure. La population reste attentive à tout mouvement venant de l’Est. Le souvenir des offensives sur Bukavu et Goma est encore vif.« On a vécu des jours où tout le monde s’attendait à une attaque. Le transport sur le lac a été suspendu, les checkpoints militaires se sont multipliés, et le moindre bruit éveillait la panique », raconte Éric, conducteur de moto-taxi. « Ce n’était pas la guerre, mais on vivait comme si elle était imminente. »Pour les autorités locales, la ville reste un point sensible. Située à la croisée des routes entre les Kivus et le Katanga, Kalemie pourrait devenir une cible en cas de nouvelle escalade. Des jeunes, frustrés par l’inaction gouvernementale, auraient même rejoint les rangs rebelles selon un magistrat local.Des camps débordés, une aide à bout de souffleLe flux de déplacés ne ralentit pas. Selon le HCR, près de 50 000 personnes venues de l’Est sont arrivées depuis janvier, souvent après des semaines de marche à travers les forêts. À Kalemie, les camps comme celui de Katanika sont saturés. Tentes abîmées, manque d’eau potable, médicaments insuffisants, rations alimentaires rares : l’aide humanitaire peine à suivre.Safi, veuve et mère de quatre enfants, dont deux adolescentes enceintes, raconte sa fuite de Bukavu : « Mon mari a été tué. Je n’avais plus rien. Je suis arrivée ici avec l’espoir d’un abri. Mais on dort à même le sol, et on ne sait jamais quand l’aide viendra. »Même détresse pour Emmaüs, 51 ans, qui a fui avec deux de ses enfants : « Je ne sais pas si ma femme et mes trois autres enfants sont vivants. Ici, nous survivons. C’est tout. »Malgré les efforts d’ONG locales comme Bouclier, qui a distribué plus de 300 tonnes de vivres et foré plusieurs puits, les besoins dépassent largement les capacités disponibles. Jean David E’Ngazi, son directeur, tire la sonnette d’alarme : « La situation est critique. Nous manquons de tout, et les financements sont loin d’être suffisants. »Une crise multidimensionnelleLa province ne fait pas seulement face à un afflux de déplacés : les conséquences des inondations continuent de peser lourd. Routes coupées, champs ravagés, écoles fermées temporairement… À cela s’ajoutent des tensions intercommunautaires dans certaines zones rurales du Tanganyika.La communauté internationale a été lente à réagir. En avril déjà, le HCR signalait que seuls 20 % des fonds humanitaires demandés pour la RDC avaient été reçus. Un chiffre qui n’a guère évolué depuis.Pour le député de Kalemie, John Banza Lunda, la priorité est claire : « Il faut une solidarité nationale pour ne pas laisser cette partie du pays sombrer. Ce ne sont pas les armes qui nous menacent le plus aujourd’hui, mais l’oubli. »
La Rédaction

