CAMEROUN: Exploitation forestière controversée à Ebo, menaces sur une biodiversité unique
La forêt d’Ebo, un joyau écologique du Cameroun, se trouve au cœur d’une polémique majeure alors que le gouvernement a accordé une concession forestière à l’entreprise Sextransbois. Ce vaste écosystème, s’étendant sur 2 000 km², est l’un des derniers bastions de biodiversité dans la région du Golfe de Guinée, abritant des espèces menacées telles que la plus grande population mondiale de chimpanzés du Nigéria et du Cameroun, ainsi qu’une sous-espèce récemment identifiée de gorilles. En outre, cette forêt est essentielle pour les communautés locales, dont le peuple Banen, qui en dépend pour leur subsistance, leur culture et leurs traditions.

L’attribution de cette concession forestière à Sextransbois a été marquée par des irrégularités et des préoccupations majeures. En 2020, un décret avait tenté d’introduire une gestion forestière commerciale dans la forêt d’Ebo, mais face à une forte opposition de la part des communautés locales et des organisations environnementales, le projet avait été abandonné. Cependant, en avril 2023, un nouveau décret a été émis, reclassant 68 385 hectares de forêt en propriété privée de l’État et accordant une concession à Sextransbois, une société dont les détails restent largement inconnus. Cette décision a été critiquée pour son manque de transparence et d’engagement envers les procédures d’appel d’offres public.
Les impacts potentiels de cette exploitation sur l’environnement sont considérables. L’ouverture de la forêt à l’exploitation commerciale menace non seulement les habitats des espèces menacées mais pourrait également entraîner des émissions de carbone importantes, compromettant les engagements climatiques du Cameroun, qui vise à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 35 % d’ici 2030. Les défenseurs de l’environnement mettent également en garde contre les violations des lois nationales et internationales sur la gestion des ressources naturelles, soulignant que l’exploitation pourrait affecter négativement les relations commerciales du Cameroun avec l’Union européenne et d’autres marchés soucieux de la déforestation.
Pour les communautés locales, en particulier le peuple Banen, la décision représente une menace directe pour leur mode de vie. La reclassification de la forêt a annulé leurs droits coutumiers, entraînant une perte culturelle et économique significative. Les efforts pour contester cette décision et protéger leurs terres ancestrales ont été jusqu’à présent limités, en partie en raison de la peur des représailles et des difficultés à mobiliser un soutien suffisant.




L’affaire de la forêt d’Ebo illustre le dilemme complexe entre développement économique et conservation environnementale dans une région d’une biodiversité exceptionnelle. Alors que le gouvernement camerounais poursuit ses objectifs de croissance économique, les enjeux liés à la préservation de cet écosystème vital et au respect des droits des communautés locales demeurent cruciaux. La transparence dans le processus décisionnel et l’engagement envers une gestion durable des ressources naturelles seront essentiels pour éviter des impacts irréversibles sur la biodiversité et les modes de vie traditionnels.
Le sort de la forêt d’Ebo pourrait bien définir l’avenir de la conservation au Cameroun et servir de baromètre pour l’équilibre entre développement et préservation à l’échelle mondiale.
La Rédaction