« Ne réveillez pas le lion qui dort. » Cette maxime populaire malienne, longtemps ignorée par le pouvoir militaire d’Assimi Goïta, résonne aujourd’hui avec une intensité nouvelle. En pariant sur l’interdiction des partis politiques pour asseoir son autorité, la junte au pouvoir semble avoir précipité une réaction inverse : l’émergence d’une opposition jeune, plurielle et résolument déterminée à faire vivre la démocratie.
Une démocratie bâillonnée, une jeunesse réveillée
Depuis mars 2024, toute activité politique est officiellement gelée au Mali. Ce gel, justifié par la “sauvegarde de la paix sociale”, s’est accompagné d’une campagne d’intimidation contre les opposants, les journalistes et les figures de la société civile. Mais loin d’installer un silence résigné, cette stratégie a suscité une montée de voix dissidentes.
Parmi elles, Cheick Oumar Diarra, jeune leader charismatique, s’impose comme le visage d’un mouvement démocratique recomposé. Son engagement public, ses discours tranchants et sa capacité à fédérer témoignent d’un renouveau dans la lutte politique malienne. À ses côtés, des artistes, des blogueurs, des universitaires ou de simples militants refusent la résignation.
Un combat horizontal, sans têtes à couper
Ce qui caractérise cette nouvelle opposition, c’est son horizontalité. Il ne s’agit plus de vieux partis structurés, hiérarchisés et parfois discrédités. La contestation s’organise de façon plus souple, plus fluide, souvent dans la rue, parfois sur les réseaux sociaux, loin des sièges poussiéreux des partis traditionnels. Elle échappe au contrôle classique, et c’est bien ce qui inquiète le régime.
La junte, en cherchant à éradiquer la vie politique, a peut-être créé une opposition moins prévisible, plus enracinée dans la population. Une opposition qui ne repose plus sur une poignée de chefs, mais sur une foule connectée et déterminée.
Une génération qui n’a plus peur
Les nouveaux visages de la contestation ont grandi dans le tumulte : coups d’État, insécurité chronique, transition politique interminable, promesses trahies. Ils n’attendent plus d’être autorisés à s’exprimer. Ils prennent la parole. Le langage est celui de la rue, du slam, du journalisme indépendant, des rassemblements pacifiques malgré les interdictions.
Cette génération ne porte pas de nostalgie pour l’ordre ancien. Elle ne réclame pas un retour, mais une refondation. Elle ne s’oppose pas seulement à un homme ou à un régime, mais à une logique de confiscation du pouvoir. Sa boussole : la justice, la liberté d’expression, la souveraineté citoyenne.
Une junte fragilisée par sa propre force
En voulant neutraliser les partis, la junte a involontairement déplacé le champ de la politique vers des terrains moins contrôlables. Elle pensait étouffer l’opposition, elle a nourri une résistance plus inventive. Aujourd’hui, chaque tentative de museler une voix critique devient un catalyseur de contestation.
Le Mali est désormais traversé par deux forces : une autorité militaire figée dans une logique de domination, et une société civile en ébullition, qui refuse l’effacement. Rien ne dit encore laquelle triomphera. Mais il est clair que le silence, tant espéré par la junte, ne viendra pas.
La Rédaction

