La destruction d’un drone malien par l’armée de l’air algérienne, dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2025, a plongé les relations entre Bamako et Alger dans une nouvelle zone de turbulence. Qualifiée d’« agression » par les autorités maliennes, l’incident a aussitôt provoqué un sursaut d’unité nationale. Mais cette cohésion apparente cache des lignes de fracture plus profondes : car dans le Mali en transition, le patriotisme devient un terrain miné pour l’opposition.
Les autorités maliennes ont vivement dénoncé une « ingérence manifeste » et accusé l’Algérie d’hostilité, voire de soutien indirect aux groupes armés. En retour, le régime de transition bénéficie d’un regain de légitimité. Le récit du pays assiégé, rassemblé derrière ses chefs militaires, réactive un vieux réflexe de survie nationale. « Nous menons un combat de survie », affirme un chef de parti pro-transition. « Les Maliens vont se rassembler derrière leurs dirigeants. » Cette rhétorique, martelée depuis les rues de Bamako jusqu’aux sphères du pouvoir, s’avère redoutablement efficace.
Mais pour les partis d’opposition et une partie de la société civile, l’exercice devient un casse-tête. Comment dénoncer une attaque étrangère sans renforcer un régime qu’ils jugent illégitime ? Les communiqués sont soigneusement dosés, le vocabulaire pesé. Un ancien ministre parle de « service minimum » : soutien à l’armée, silence sur les dirigeants. Un autre évoque une posture d’« équilibriste » : patriote mais lucide, critique mais pas antipatriote.
La crise devient alors un révélateur : les autorités de transition n’hésitent pas à instrumentaliser le sursaut national pour resserrer les rangs. Face à cela, une opposition affaiblie tente de maintenir une ligne responsable. « L’État malien porte une part de responsabilité dans cette situation », glisse un opposant, tout en appelant à l’apaisement. « Personne ne doit exploiter cette crise à d’autres fins que l’intérêt national. »
Dans ce contexte, la colère populaire sert autant de levier de mobilisation que de verrou politique. Les appels à la raison, fondés sur l’histoire commune, la porosité des frontières ou les intérêts économiques entre les deux pays, peinent à percer face à la montée du discours martial.
Au final, la tension avec Alger agit comme un miroir : elle reflète un Mali divisé, où l’unité nationale peut devenir une arme politique, et le patriotisme un piège pour ceux qui refusent la ligne officielle. Dans ce jeu d’ombres et de postures, la crise du drone pourrait bien servir la Transition plus qu’elle ne la fragilise.
La Rédaction

