Le Mali, troisième producteur d’or en Afrique, est-il devenu un “gruyère minier” ? La prolifération des sites d’orpaillage, souvent illégaux et non réglementés, a transformé certaines régions du pays en un véritable labyrinthe souterrain, où les effondrements se multiplient. Le dernier drame en date, survenu le 15 février à Bilaly Koto, dans l’ouest du pays, a coûté la vie à au moins 48 personnes, principalement des femmes.
Un sous-sol criblé de cavités instables
L’orpaillage artisanal est une activité essentielle pour des milliers de Maliens et d’orpailleurs venus de toute la sous-région, attirés par l’espoir d’un enrichissement rapide. Mais cette quête du précieux métal se fait dans des conditions précaires. Faute d’infrastructures adaptées, les mineurs creusent à mains nues ou avec du matériel rudimentaire, formant des galeries profondes, étroites et dépourvues de tout support de consolidation.
Ces cavités souterraines, creusées sans contrôle ni expertise géologique, transforment progressivement certaines zones en un réseau instable, où les effondrements sont inévitables. L’analogie avec un “gruyère minier” illustre bien cette réalité : un sous-sol perforé de trous béants, abandonnés les uns après les autres, avant d’être réinvestis par des orpailleurs à la recherche des dernières miettes d’or.
Des mines abandonnées, des sites réoccupés
L’effondrement de Bilaly Koto s’est produit sur une mine anciennement exploitée par une entreprise chinoise, puis laissée à l’abandon. C’est un schéma récurrent : après le départ des compagnies industrielles, les orpailleurs illégaux s’installent sur ces sites, y creusant de nouvelles galeries ou réutilisant d’anciennes excavations affaiblies. Ce phénomène accentue les risques, car ces mines ne sont pas réhabilitées ni sécurisées après leur fermeture.
Dans certaines zones aurifères du Mali, comme Kayes ou Sikasso, il suffit de parcourir quelques kilomètres pour apercevoir d’innombrables trous béants, vestiges d’une exploitation effrénée. Chaque nouveau creusement fragilise encore un peu plus le terrain, jusqu’à provoquer des drames comme celui de Bilaly Koto.
Une réglementation insuffisante face à l’explosion de l’orpaillage
Les autorités maliennes peinent à encadrer cette activité informelle, qui représente pourtant une manne économique importante pour des milliers de familles. Officiellement, l’État tente de limiter l’orpaillage à certaines zones, mais dans les faits, le contrôle est quasi inexistant. Des milliers de travailleurs continuent d’exploiter des mines clandestines, souvent sous l’emprise de réseaux informels ou de trafiquants d’or.
En janvier 2024, un autre effondrement avait déjà fait plus de 70 morts dans le sud du pays. À chaque drame, des voix s’élèvent pour réclamer une meilleure régulation du secteur, mais les mesures tardent à être mises en place. Entre manque de moyens et corruption, la situation reste inchangée : les orpailleurs continuent de creuser, souvent au péril de leur vie.
Une bombe à retardement écologique et humaine
Au-delà des effondrements, l’exploitation artisanale pose également un problème écologique majeur. L’utilisation incontrôlée de mercure pour extraire l’or pollue les sols et les cours d’eau, exposant les populations locales à de graves risques sanitaires. De plus, la déforestation massive autour des sites miniers accentue l’érosion des sols et la désertification.
Si rien n’est fait, le Mali risque de voir ses régions aurifères se transformer en un paysage lunaire, où les morts s’accumulent sous les gravats d’un sous-sol grignoté sans relâche. Pour éviter de nouveaux drames, il est urgent de mettre en place une régulation stricte de l’orpaillage, d’encadrer la fermeture des mines industrielles et d’offrir des alternatives économiques aux populations dépendantes de cette activité.
Le “gruyère minier malien” continue de s’effondrer, emportant des vies avec lui. Mais jusqu’à quand ?
La Rédaction

