Alors que la demande mondiale en minerais stratégiques s’intensifie, le Togo redessine silencieusement sa carte minière, visant une place clé dans l’échiquier ouest-africain. Si le phosphate, le clinker et le calcaire dominent encore les exportations, le pays mise sur des partenariats innovants et une transformation locale pour passer du statut de producteur marginal à celui d’acteur incontournable.
Une richesse sous-exploitée, un potentiel régional sous les projecteurs
Avec seulement 1,15 % de contribution au PIB en 2022, le secteur minier togolais semble modeste. Pourtant, ses réserves de manganèse (14 millions de tonnes), de fer, de chromite et d’or attirent l’attention d’investisseurs internationaux, dont la britannique Keras Resources. La création de la Société Togolaise de Manganèse (STM) en 2023 illustre cette volonté de reprendre le contrôle des ressources, à l’heure où l’Afrique de l’Ouest devient un terrain de compétition pour les métaux critiques.
Phosphate et clinker : des leviers pour une industrialisation accélérée
Le partenariat avec l’Office Chérifien des Phosphates (OCP) marque un tournant. En transformant localement le phosphate en engrais, le Togo réduit sa dépendance aux exportations brutes (1,78 million de tonnes en 2022) et répond à la demande agricole régionale.
Du côté du clinker, SCANTOGO et WACEM exportent 715 928 tonnes annuelles, mais l’objectif est clair : alimenter une industrie du ciment en plein essor, tirée par les besoins en infrastructures du Ghana et du Bénin voisins.
L’or artisanal, entre défi et opportunité
Avec 10 à 25 tonnes d’or exportées clandestinement chaque année, le Togo perd des milliards de FCFA. Pourtant, cette filière informelle, majoritairement féminine, pourrait devenir un pilier économique si elle était structurée. Les récentes initiatives de traçabilité, couplées à la pression des marchés internationaux pour des minerais « propres », pourraient inciter le gouvernement à régulariser cette activité, à l’image de la Côte d’Ivoire ou du Burkina Faso.
Gouvernance et environnement : les clés de la crédibilité
Le Projet de Développement et de Gouvernance Minière (PDGM), soutenu par la Banque mondiale, a jeté des bases solides : cadastre numérique, guide RSE, dialogue communautaire. Reste à concrétiser la taxe écologique (en suspens depuis 2008) et à publier les audits de la SNPT, essentiels pour attirer des investisseurs soucieux de transparence.
Les communautés locales, partenaires malgré tout
Selon Afrobaromètre (2024), 60 % des riverains estiment bénéficier équitablement des retombées minières, un paradoxe dans un pays où peu d’infrastructures nouvelles voient le jour. Cette perception positive pourrait s’éroder sans une implication accrue des entreprises dans des projets sociaux durables, au-delà des compensations ponctuelles.
Perspectives 2030 : intégration régionale et économie circulaire
Le Togo table sur deux atouts : sa position géographique et sa transition vers une exploitation circulaire. En valorisant les déchets miniers et en collaborant avec l’ECOWAS sur des normes harmonisées, Lomé ambitionne de devenir un hub logistique pour les minerais ouest-africains.
La future usine d’engrais, associée à des partenariats avec le Nigeria pour le gaz, pourrait aussi positionner le pays comme fournisseur clé pour l’agro-industrie continentale.
Un pari risqué, mais nécessaire
Entre contraintes locales et ambitions régionales, le Togo mise sur une approche pragmatique : transformer sur place, réguler sans étouffer, et s’insérer dans les chaînes de valeur africaines. Un pari ambitieux, mais crucial pour que le secteur minier dépasse les 2 % du PIB d’ici 2030, tout en répondant aux attentes sociales et environnementales.
La Rédaction

