Alors que le Sénégal fait face à une dette record et à une dégradation de sa note souveraine, le pays mise sur un acteur souvent sous-estimé : sa diaspora. Cette stratégie vise à convertir l’épargne des Sénégalais de l’étranger en un soutien concret pour le financement du développement national.
Une mobilisation exceptionnelle sur le marché financier régional
Le troisième Appel public à l’épargne (APE) 2025 a permis au Sénégal de lever plus de 450 milliards FCFA (686 millions €), dépassant largement l’objectif initial de 300 milliards FCFA. L’opération, initiée le 18 septembre et clôturée le 10 octobre, a été orchestrée par Impaxis Securitieset Société Générale pour couvrir les besoins inscrits dans la Loi de finances 2025.
Cette levée intervient dans un contexte délicat : la révélation d’une dette cachée de 8 300 milliards FCFA (12,6 milliards €) a fait grimper l’endettement public à 119% du PIB, et l’agence Moody’s a abaissé la note souveraine du pays de B3 à Caa1, avec perspective négative, en raison des risques sur la dette et la liquidité.
La diaspora, pilier de confiance et d’investissement
L’APE a enregistré une participation significative de la diaspora sénégalaise, présente dans plus de 45 pays, qui a investi aux côtés d’acteurs locaux et régionaux. Même si aucun dispositif ne permet encore de souscrire directement depuis l’étranger, les Sénégalais de la diaspora peuvent investir via une Société de gestion et d’intermédiation (SGI) agréée ou un partenaire bancaire local, sous réserve d’un compte en franc CFA.
Le gouvernement encourage ces investissements dans des “titres citoyens et patriotiques”, créés pour financer le Plan de Redressement Économique et Social (PRES). Ce programme quinquennal, évalué à 5 667 milliards FCFA (8,6 milliards €), ambitionne de relancer l’économie sénégalaise et de diversifier ses sources de financement tout en réduisant la dépendance aux prêts internationaux.
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Transformer l’aide familiale en levier productif
Historiquement, les transferts financiers de la diaspora ont été essentiels pour de nombreuses familles sénégalaises, atteignant 35,6 milliards € entre 2000 et 2024 selon la Banque mondiale. Mais le gouvernement souhaite désormais aller au-delà de l’envoi de fonds à usage familial : l’objectif est de canaliser ces ressources vers des investissements productifs capables de soutenir les finances publiques et de dynamiser le développement du pays.
Cette approche s’inspire de l’expérience réussie d’autres pays africains qui ont mis en place des diaspora bonds pour financer des projets d’infrastructures, comme le Nigeria, l’Éthiopie ou le Rwanda. Le Sénégal avait déjà testé cette méthode en 2019 via la Banque de l’Habitat du Sénégal (BHS), mobilisant 20 milliards FCFA pour des programmes de logements sociaux, avec une forte participation de la diaspora.
Une confiance renouvelée malgré les défis
Pour cette levée de fonds de 2025, la part exacte des souscriptions provenant de la diaspora n’a pas été communiquée. Néanmoins, le succès de l’opération confirme le positionnement du Sénégal parmi les émetteurs les plus dynamiques du marché UEMOA, aux côtés de la Côte d’Ivoire et du Bénin, et démontre une confiance renouvelée des investisseurs dans la stratégie économique du pays.
Dans un contexte de dette publique élevée et de contraintes budgétaires, le Sénégal innove en transformant la contribution de sa diaspora en un moteur concret de développement. En mobilisant ces ressources pour financer des projets structurants, le pays entend consolider ses finances publiques et stimuler sa croissance tout en impliquant pleinement ses citoyens de l’étranger dans l’avenir économique national.
La Rédaction

