Quand les produits sont conçus pour mourir vite, c’est l’Afrique qui en paie le prix fort.
Une stratégie mondiale… qui traverse les frontières
L’obsolescence programmée, bien qu’initiée par les grandes industries du Nord, est aujourd’hui un problème mondial, avec des répercussions particulièrement marquées dans les pays africains. L’Afrique, souvent absente des processus de production, est pourtant massivement concernée en bout de chaîne, en tant que consommatrice de produits importés à courte durée de vie.
Quand les produits « faits pour casser » envahissent les marchés africains
Téléphones, téléviseurs, ordinateurs, électroménagers : une grande partie des biens technologiques vendus sur le continent sont issus de l’importation, souvent reconditionnés, parfois d’occasion, et régulièrement fabriqués selon des standards où la durée de vie est volontairement limitée.
Dans les grandes villes africaines, la panne fréquente des appareils est devenue une norme. Il est courant qu’un téléphone cesse de fonctionner correctement moins de deux ans après son achat. Les pièces de rechange sont rares, chères, ou inexistantes. Résultat : le consommateur est poussé à racheter… et à gaspiller.
Un continent transformé en décharge numérique
Les conséquences sont visibles. De Lagos (Nigeria) à Accra (Ghana), en passant par Agbogbloshie, considéré comme l’un des plus grands cimetières électroniques du monde, l’Afrique est devenue la destination finale des déchets technologiques issus de l’obsolescence.
Des conteneurs entiers arrivent sous prétexte de “matériel de seconde main”, mais beaucoup de ces appareils sont hors d’usage dès leur arrivée. Cela représente une triple peine :
1. Un coût pour le consommateur africain,
2. Un poids environnemental énorme,
3. Et une menace sanitaire grave pour les populations qui vivent et travaillent dans ces décharges.
Une injustice économique et environnementale
L’obsolescence programmée perpétue un modèle économique inégalitaire. Le continent africain, en tant qu’importateur dépendant, subit les choix industriels faits ailleurs, sans en tirer ni profit technologique durable, ni retombées positives sur son développement industriel local.
De plus, la capacité de réparation, souvent traditionnellement forte dans plusieurs pays africains, est affaiblie par des appareils impossibles à démonter, des batteries scellées, ou des logiciels bloqués par les fabricants.
Vers une résistance africaine ?
Malgré ce tableau sombre, l’Afrique n’est pas sans défense. Plusieurs initiatives émergent :
• Les ateliers de réparation informelle dans les marchés d’Abidjan, de Cotonou ou de Kinshasa montrent une ingéniosité remarquable.
• Des start-ups africaines créent des ordinateurs durables ou des téléphones réutilisables.
• Les mouvements pour le droit à la réparation gagnent en popularité.
• Le recyclage local, parfois informel mais efficace, permet de récupérer des composants et de leur donner une seconde vie.
Mais pour que ces efforts portent leurs fruits, il faudra un changement de politique à l’échelle continentale, avec des normes d’importation plus strictes, un soutien à l’économie circulaire, et une véritable prise en compte de l’environnement numérique.
Il est temps de déprogrammer l’obsolescence
L’obsolescence programmée n’est pas qu’un problème technique : c’est un choix industriel lourd de conséquences sociales et écologiques, particulièrement pour l’Afrique. Tant que les produits seront conçus pour mourir jeunes, c’est le continent africain qui enterrera leur cadavre — au prix de sa santé, de son environnement et de son autonomie.
La solution réside dans un changement profond : du consommateur informé, à la réglementation audacieuse, en passant par l’innovation locale.
La Rédaction

