Les signes de détente se multiplient entre Niamey et Abuja après plusieurs mois de brouille. La visite du ministre nigérian des Affaires étrangères, Yusuf Maitama Tuggar, prévue ce 16 avril à Niamey, incarne une volonté de reprise du dialogue, dans un climat encore marqué par les séquelles du coup d’État de juillet 2023 et le retrait fracassant du Niger de la Cédéao.
Une reprise prudente après des mois de tensions
Depuis la prise de pouvoir par le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), le Niger s’est trouvé dans une posture de confrontation, notamment avec le Nigéria voisin, principal promoteur des sanctions économiques et du recours à la force prônés par la Cédéao. Les accusations récentes de collusion entre Abuja et Paris, formulées par le général Tiani, n’ont fait que raviver les méfiances. Malgré cela, les deux capitales tentent désormais de renouer les fils du dialogue, à commencer par les enjeux de sécurité à la frontière commune.
Début mars, le chef de la diplomatie nigérienne, Bakary Yaou Sangaré, avait déjà reçu l’ambassadeur nigérian à Niamey, un premier pas vers la réouverture du canal diplomatique. Les discussions avaient alors mis en lumière des désaccords sur les dispositifs sécuritaires instaurés par le Nigéria, jugés contraignants pour les populations frontalières. Toutefois, la volonté commune de lutter contre le terrorisme et la criminalité transnationale a favorisé la poursuite des échanges.
Sécurité régionale et repositionnement stratégique
Dans le sillage de cette volonté de réajustement bilatéral, le Niger a annoncé une redéfinition de sa stratégie militaire, notamment dans la région de Diffa avec le lancement de l’opération « Nalewa Dole ». Ce repositionnement survient après le départ du pays de la Force multinationale mixte, traduisant une orientation vers une autonomie sécuritaire accrue. Il s’inscrit aussi dans une logique de consolidation de l’Alliance des États du Sahel (AES), fondée par Niamey, Ouagadougou et Bamako, tous trois désormais en rupture avec la Cédéao.
La visite attendue du ministre nigérian intervient dans ce contexte géopolitique instable. L’ancien président ghanéen John Dramani Mahama, envoyé spécial pour une médiation régionale, avait récemment alerté sur le risque d’implosion de la coopération ouest-africaine. Sa tournée dans les pays de l’AES en mars visait précisément à désamorcer les tensions et à encourager un retour au dialogue avec la Cédéao.
Entre désaccords persistants et nécessité de coopération
Si des signes d’apaisement apparaissent, ils n’effacent pas les contentieux profonds. La méfiance reste palpable, alimentée par les accusations politiques, les différends sécuritaires et les réalignements géopolitiques. Pour autant, les deux voisins sont contraints, par la géographie et l’histoire, de se parler. Le général Christopher Musa, chef d’état-major nigérian, l’a rappelé en soulignant la nécessité de préserver les liens entre les deux pays, malgré les divergences politiques.
Dans une région fracturée, où le terrorisme, les trafics et l’instabilité politique brouillent les lignes, la visite de Yusuf Maitama Tuggar pourrait ouvrir une fenêtre de réengagement. Mais ce fragile dégel ne tiendra que si les deux pays parviennent à dépasser les postures de méfiance pour construire une coopération pragmatique. Car plus qu’un simple différend bilatéral, c’est l’avenir de l’architecture sécuritaire ouest-africaine qui se joue aujourd’hui entre Niamey et Abuja.
La Rédaction

