Au cours de la dernière décennie, les Émirats arabes unis (EAU) se sont imposés comme une puissance économique incontournable en Afrique. Leur progression fulgurante les place désormais comme le quatrième investisseur étranger sur le continent, juste derrière des géants comme la Chine, l’Union européenne et les États-Unis. Ce changement de cap stratégique est étroitement lié à l’influence grandissante de Mohammed ben Zayed Al Nahyan, connu sous les initiales MBZ.
Une vision stratégique sous la conduite de MBZ
Après avoir pris progressivement les rênes du pouvoir en 2014, suite à l’accident de santé de son demi-frère Khalifa, MBZ a été officiellement intronisé président des Émirats et émir d’Abou Dhabi en 2022. Sous sa direction, les Émirats ont intensifié leur politique d’investissement en Afrique, s’intéressant particulièrement aux infrastructures, à l’énergie et à la logistique. Cette expansion ne se limite pas à l’économie : les Émirats ont également renforcé leur présence diplomatique et militaire, cherchant à garantir leur sécurité énergétique tout en assurant une place centrale dans les affaires régionales.
MBZ a ainsi mis en place une stratégie proactive pour développer des relations économiques solides avec les pays africains. Cependant, derrière cette approche de coopération, se cache également un désir de diversification des alliances, alors que les Émirats cherchent à affirmer leur statut de puissance montante dans un monde de plus en plus multipolaire.
L’Argent du Golfe en Afrique : opportunités et enjeux
L’afflux massif de capitaux provenant des Émirats dans plusieurs régions africaines témoigne de leur intérêt grandissant pour le continent. Les investissements directs étrangers (IDE) en provenance des pays du Golfe vers l’Afrique ont connu une croissance exponentielle, avec les Émirats à la pointe. Ces investissements couvrent des secteurs stratégiques comme l’hydrogène vert, le transport, la logistique et l’immobilier. Si les Émirats se sont d’abord concentrés sur la côte est-africaine, leur influence financière s’étend désormais jusqu’au Nigeria, à l’Afrique du Sud et à l’Angola.
Cet engagement financier massif permet aux Émirats d’acquérir des actifs importants et de renforcer leur influence sur les gouvernements locaux. Cependant, cette stratégie soulève des questions : dans quelle mesure cette influence est-elle bénéfique aux pays africains ? La dépendance croissante à l’argent du Golfe pourrait-elle nuire à leur souveraineté économique à long terme ?
Conflits régionales et tensions du Golfe : Le cas du Soudan
Parallèlement à leurs ambitions économiques, les Émirats jouent également un rôle clé dans les conflits en Afrique, notamment au Soudan. La guerre civile qui y fait rage, considérée comme l’un des conflits les plus meurtriers au monde, est exacerbée par l’intervention des Émirats et de l’Arabie saoudite, deux rivaux régionaux. Alors que l’Arabie saoudite soutient les Forces armées soudanaises (FAS) du général Abdel Fattah al-Burhan, les Émirats arabes unis se rangent derrière les Forces de soutien rapide (RSF) du général Mohamed Hamdan « Hemeti » Dagalo, en fournissant des armes et des financements.
Cette rivalité entre les deux puissances du Golfe illustre bien comment les Émirats cherchent à accroître leur influence non seulement en Afrique, mais aussi dans le cadre d’une compétition plus large pour l’hégémonie régionale au Moyen-Orient.
Un partenaire incontournable, mais à quel prix ?
La montée en puissance des Émirats arabes unis en Afrique constitue un tournant majeur pour les relations entre le Golfe et le continent africain. Si les investissements des Émirats apportent des opportunités économiques et contribuent à des projets de développement vitaux, ils posent également des défis importants. Le risque d’exacerbation des conflits, comme au Soudan, ainsi que la dépendance accrue de certains pays africains à l’égard des capitaux émiratis, sont des éléments à surveiller de près.
Ainsi, si l’Afrique représente un terrain de coopération stratégique pour les Émirats, l’avenir de cette relation dépendra de la capacité des deux parties à trouver un équilibre entre intérêts économiques et souveraineté politique, dans un contexte mondial en pleine transformation.
La Rédaction