La Guinée-Bissau traverse une crise politique majeure. Depuis plusieurs années, ce petit pays d’Afrique de l’Ouest oscille entre tensions institutionnelles et incertitude grandissante. Aujourd’hui, la question centrale est claire : le pays glisse-t-il irrémédiablement vers l’autoritarisme ?
Un président contesté et des élections repoussées
Initialement prévues pour novembre 2024, les élections générales ont été reportées par le président Umaro Sissoco Embaló, qui invoque l’instabilité politique et des difficultés logistiques. Il a fixé une nouvelle date : le 30 novembre 2025. Un choix qui alimente les tensions, car l’opposition et la Cour suprême estiment que son mandat aurait dû prendre fin le 27 février 2025. Embaló, lui, affirme qu’il doit rester en poste jusqu’au 4 septembre 2025, arguant que son mandat n’a officiellement débuté qu’après la résolution des contestations judiciaires liées à son élection.
L’opposition ne reconnaît plus la légitimité du chef de l’État, et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), venue évaluer la situation, a même été menacée d’expulsion. Autant d’éléments qui renforcent l’incertitude et font craindre un verrouillage progressif du pouvoir.
Un État fragile miné par des institutions affaiblies
Près d’un demi-siècle après son indépendance, la Guinée-Bissau reste un État vulnérable, marqué par des institutions fragiles et une élite politique déconnectée des besoins de la population. L’armée y joue un rôle central : elle a orchestré trois coups d’État et a été un acteur clé de la guerre civile de 1998-1999.
Si la société civile demeure active, notamment dans l’éducation et la défense des droits humains, elle peine à contrebalancer la dérive du pouvoir. Depuis son accession à la présidence en 2020, Embaló a progressivement renforcé son emprise. En décembre 2023, il a dissous le Parlement sans organiser d’élections législatives dans les délais, une décision qui a paralysé le pouvoir législatif et accentué la concentration du pouvoir entre ses mains.
La Cour suprême, faute de quorum, est quasi inopérante. Résultat : les trois pouvoirs – exécutif, législatif et judiciaire – sont désormais sous son contrôle direct.
L’autoritarisme s’installe
L’élection présidentielle de 2019 avait déjà marqué un tournant, mais la situation s’est aggravée en 2023 lorsque Embaló a dissous une Assemblée nationale dominée par l’opposition. Les législatives avaient pourtant été remportées par une coalition dirigée par le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert (PAIGC), qui avait nommé Domingos Simões Pereira à la présidence du Parlement et formé un gouvernement.
Un affrontement entre deux unités paramilitaires, en décembre 2023, a servi de prétexte à la dissolution du Parlement. Embaló a alors pris l’initiative de désigner un Premier ministre et de composer un gouvernement à sa guise.
Un isolement progressif sur la scène internationale
Bien décidé à conserver le pouvoir, Embaló repousse toute échéance électorale tant que l’opposition reste en mesure de s’organiser. Il prend également ses distances avec la CEDEAO, qui appelle à des élections dans les délais constitutionnels.
Malgré le soutien de certains acteurs politiques et économiques, son pouvoir semble fragilisé. Son avenir dépend en grande partie de la loyauté de l’armée et de sa capacité à éviter une mobilisation populaire.
Quel avenir pour la Guinée-Bissau ?
Deux scénarios se dessinent :
•Un retour à la démocratie : si des élections transparentes et ouvertes sont organisées, le pays pourrait retrouver un fonctionnement institutionnel normal.
•Une dérive autoritaire : si Embaló parvient à prolonger son pouvoir sans contrepoids, la Guinée-Bissau risque de sombrer dans une autocratie marquée par la répression et une instabilité chronique.
Dans une région déjà fragilisée par des insurrections islamistes et des tensions politiques, l’avenir de la Guinée-Bissau est crucial. La communauté internationale, en particulier africaine, doit peser de tout son poids pour éviter un basculement vers un régime incontrôlé.
La Rédaction

