Alors que Donald Trump monopolise l’attention médiatique avec ses provocations et ses déboires judiciaires, un autre acteur agit avec fracas pour remodeler l’Amérique : Elon Musk. L’historien Timothy Snyder, spécialiste de l’autoritarisme et de l’Europe de l’Est, tire la sonnette d’alarme. Selon lui, le milliardaire sud-africain ne se contente pas d’influencer la politique américaine : il mène un véritable coup d’État numérique.
Un coup d’État sans chars, mais tout aussi efficace
Traditionnellement, les coups d’État impliquent une prise de contrôle brutale des institutions par la force. Aujourd’hui, cette logique évolue. Snyder affirme que Musk, entouré d’une vingtaine d’employés non élus, s’empare des fonctions essentielles de l’État sans passer par les urnes. “Si des soldats occupaient les bâtiments officiels, personne ne douterait de la gravité de la situation. Mais parce que cette prise de pouvoir est numérique, nous tardons à réagir”, prévient-il.
Le pouvoir de Musk ne repose pas sur des discours populistes ou des élections, mais sur la maîtrise des infrastructures vitales : communications, satellites, intelligence artificielle. Sa mainmise sur des outils comme Starlink et X (ex-Twitter) lui permet d’influencer l’information et d’imposer ses propres règles du jeu.
Trump, un écran de fumée ?
Si Trump capte l’attention avec ses outrances, Snyder considère qu’il joue un rôle de diversion. “Trump amuse la galerie avec ses déclarations absurdes sur une invasion du Canada ou du Groenland. Mais pendant ce temps, Musk avance méthodiquement, en transformant les structures de l’État à son profit”, analyse l’historien.
Contrairement à l’ancien président, qui cherche avant tout à protéger son propre pouvoir, Musk viserait une transformation plus profonde : faire des États-Unis une entreprise privée dont il serait le PDG.
Une Cour suprême impuissante face à cette mutation du pouvoir
L’échec des institutions américaines à contenir cette évolution inquiète Snyder. Il rappelle que la Cour suprême, en renforçant l’immunité présidentielle, a facilité la montée en puissance de Trump. Mais elle semble démunie face à Musk, qui ne joue pas selon les règles habituelles de la politique. “Les juges comprennent les nostalgies d’une droite traditionnelle, mais saisissent-ils la menace que représente un oligarque voulant remplacer l’État ? Rien n’est moins sûr”, avertit-il.
Un fascisme du XXIe siècle ?
Dans son essai De la liberté, Snyder établit un parallèle entre le fascisme du siècle dernier et l’ère des oligarques. Il note que si les fascistes des années 1930 étaient en conflit avec le capitalisme, ceux d’aujourd’hui trouvent en Musk un puissant allié. “Autrefois, les grandes entreprises finissaient par se plier aux régimes autoritaires. Aujourd’hui, ce sont les oligarques qui utilisent les mouvements d’extrême droite pour démanteler l’État”, explique-t-il.
Cette dynamique ne se limite pas aux États-Unis. Snyder met en garde contre la montée de l’AfD en Allemagne, qu’il considère comme une possible porte d’entrée pour Musk sur la scène politique européenne.
L’Europe face à une Amérique incontrôlable
Alors que l’Europe a su résister à l’invasion russe en Ukraine, elle demeure passive face aux bouleversements politiques américains. “Les Européens doivent cesser de se réfugier derrière les États-Unis et assumer leur propre destin”, insiste Snyder. Il appelle les dirigeants du Vieux Continent à renforcer leur soutien à l’Ukraine et à anticiper une éventuelle rupture avec Washington.
L’année 2025 pourrait marquer un tournant. Trump reste une figure spectaculaire, mais la véritable menace ne se trouve-t-elle pas ailleurs ?
La Rédaction

