Le militant kényan Boniface Mwangi a révélé ce lundi une série de sévices inhumains qu’il affirme avoir subis aux mains des forces de sécurité tanzaniennes lors d’un déplacement à Dar es Salaam. Viol, torture, détention au secret, menaces de viol à l’encontre d’une collègue : un témoignage glaçant, symbole d’une répression qui déborde désormais les frontières.
Une solidarité criminalisée
Mwangi, figure bien connue du militantisme au Kenya, s’était rendu en Tanzanie avec la journaliste ougandaise Agather Atuhaire pour soutenir l’opposant Tundu Lissu lors d’une audience judiciaire. Mais à leur arrivée, tout bascule. Dans la nuit, des hommes non identifiés frappent à la porte de sa chambre d’hôtel et exigent qu’il les suive. Il refuse. À 3h30 du matin, un homme prétendant être avocat affirme que les visiteurs sont des policiers. Mwangi s’enferme dans sa chambre jusqu’au lever du jour.
Quelques heures plus tard, en s’apprêtant à quitter l’hôtel, il est encerclé dans le hall. Il crie, tente d’alerter ses collègues, en vain. Il est emmené de force vers des bureaux de l’immigration où il est photographié, ses empreintes digitales relevées, son téléphone confisqué. Trois avocats de la Tanganyika Law Society, venus lui porter assistance, sont refoulés.
Torture et agression sexuelle
La suite tient de la barbarie. « Ils m’ont ordonné de me déshabiller. Quatre hommes m’ont attrapé, m’ont soulevé rapidement, m’ont suspendu la tête en bas. Ils ont mis du lubrifiant dans mon rectum et ont commencé à y insérer des objets », raconte-t-il, la voix brisée. Une torture sexuelle d’une rare violence, qu’il attribue directement aux forces de sécurité tanzaniennes.
Le témoignage de Mwangi jette une lumière crue sur les pratiques brutales exercées hors de tout cadre légal contre des étrangers venus simplement exercer leur droit à la solidarité politique.
Menaces de viol et expulsion forcée
L’ambassadeur du Kenya en Tanzanie, Isaac Njenga, informe finalement Mwangi de son expulsion imminente. Mais avant même que la procédure ne débute, un homme se présentant comme agent de l’État le frappe devant les avocats et Atuhaire. « Il m’a traité d’ennemi de l’État. Il a dit qu’ils allaient m’apprendre une leçon. »
Le même agent aurait menacé de violer Agather Atuhaire avant de décréter leur arrestation. Les deux militants seront finalement expulsés par des postes-frontières différents, Mwangi vers le Kenya, Atuhaire vers l’Ouganda.
Silence officiel et colère régionale
Ni le gouvernement tanzanien, ni ses services de sécurité n’ont à ce jour répondu publiquement aux accusations. Mais au Kenya et en Ouganda, la colère gronde. Des organisations de la société civile réclament des enquêtes indépendantes. Amnesty International, Human Rights Watch et la Commission kényane des droits humains ont demandé l’ouverture d’un processus régional de vérification des pratiques sécuritaires transfrontalières.
Plus largement, ce cas soulève une inquiétude majeure : la Tanzanie est-elle en train d’exporter sa répression au-delà de ses frontières, avec la complaisance d’un silence diplomatique ?
Le témoignage de Boniface Mwangi, lui, restera. Brutal, insupportable, nécessaire.
La Rédaction

