Afrique. Réinventer les politiques agroalimentaires pour répondre à la demande croissante

La demande d’aliments transformés connaît une forte hausse en Afrique, à mesure que la population continue de croître. Un rapport de 63 pages publié par le Malabo Montpellier Panel, un groupe d’experts en alimentation, met en lumière cette tendance et appelle à l’élaboration de nouvelles politiques pour répondre à ces besoins.

Ousmane Badiane, co-président du panel, a déclaré à VOA que l’essor de la classe moyenne africaine contribue à cette demande. Cette classe moyenne, en pleine expansion, souhaite consommer des produits alimentaires traditionnels mais avec les avantages de la modernité, tels que des emballages améliorés et des options prêtes à consommer.

« La combinaison de la croissance démographique, de l’augmentation des revenus et de l’urbanisation a donné naissance à une classe moyenne nombreuse et croissante », explique Badiane. « Ce qui est intéressant avec cette classe moyenne, c’est qu’elle souhaite continuer à manger les aliments traditionnels avec lesquels elle a grandi, mais elle veut les consommer différemment. »

Un exemple de cette innovation alimentaire est l’entreprise Forna Health Foods en Ouganda, qui produit de la farine composite, un mélange de 12 types de farines différentes pour préparer du porridge, destiné notamment aux enfants et aux personnes âgées. Hilary Bainemigisha, directrice de l’entreprise, souligne que leurs produits sont à la fois nutritifs et faciles à préparer.

Défis pour maintenir des prix équitables

« Offrir une alimentation de qualité à un prix abordable n’est pas facile », déclare Bainemigisha. L’entreprise propose deux versions de son produit : une version instantanée, populaire auprès des voyageurs, des étudiants et des personnes hospitalisées, et une version nécessitant une légère cuisson, qui reste simple à préparer. Cependant, Bainemigisha fait face à des défis, notamment l’approvisionnement en matières premières hors saison des récoltes, ce qui complique la tâche de maintenir des prix stables tout au long de l’année.

« En dehors de la saison des récoltes, les prix des céréales augmentent. Mais pour nous, le prix du produit doit rester constant, ce qui réduit considérablement notre marge bénéficiaire », explique-t-elle. « Pendant la période des récoltes, nous devons investir massivement dans le stockage pour stabiliser notre marge. De plus, le mélange de multiples farines entraîne des coûts de production élevés. »

L’importance cruciale de la transformation alimentaire

Le secteur de la transformation alimentaire en Afrique est également confronté à des défis structurels, notamment un manque d’infrastructures adéquates et des problèmes logistiques. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), entre 30 et 40 % des aliments produits en Afrique sont perdus avant d’atteindre les consommateurs, représentant une perte annuelle d’environ 1 000 milliards de dollars.

Les experts agricoles critiquent les gouvernements africains pour leur manque de soutien aux innovateurs technologiques, dont les travaux sont souvent copiés ou volés, ce qui décourage les investissements dans ce secteur.

Ousmane Badiane souligne que le secteur de la transformation alimentaire est essentiel pour moderniser les zones rurales, mais il estime qu’il nécessite une plus grande attention de la part des gouvernements africains. « Ce secteur est l’une des clés pour le développement et la modernisation des zones rurales. Bien qu’il soit souvent éloigné de ces zones, il en est le moteur de progrès », explique-t-il.

Les chercheurs indiquent que certains pays, tels que le Ghana, le Kenya, le Sénégal et l’Afrique du Sud, ont pris des mesures encourageantes pour favoriser la croissance des entreprises de transformation alimentaire. Ces pays ont mis en place des initiatives pour garantir la sécurité alimentaire, contrôler la qualité, investir dans l’enseignement technique et professionnel, offrir des incitations fiscales, assurer un approvisionnement stable en matières premières et faciliter l’accès au crédit. Ces efforts permettent aux entreprises de transformation de se doter de meilleures machines et d’améliorer leurs capacités de production.

La Rédaction