Alors que les missiles frappaient Téhéran dans la nuit du 13 juin 2025, l’Afrique, loin du théâtre des opérations, encaissait déjà les premières secousses économiques et géopolitiques. Cette nouvelle escalade militaire entre Israël et l’Iran, centrée sur les ambitions nucléaires de Téhéran, dépasse le Moyen-Orient : elle percute de plein fouet un continent africain vulnérable aux crises mondiales et engagé dans des partenariats fragiles avec les puissances du Golfe.
Le pétrole s’enflamme, l’inflation menace
Dès l’annonce des frappes israéliennes contre des infrastructures nucléaires iraniennes, les marchés ont vacillé. En Afrique, l’effet a été immédiat : le prix du Brent a bondi de près de 6 %, dépassant les 73 dollars le baril. Un seuil critique pour de nombreux pays importateurs de carburants.
Au Ghana, où l’économie tentait de reprendre souffle après des mois d’inflation galopante, cette flambée du pétrole menace la stabilité fragile. Selon l’analyste Edem Kojo, une hausse de 5 à 7 % des prix à la pompe est attendue d’ici deux semaines. Et la nouvelle taxe sur les carburants, récemment instaurée pour soutenir le secteur énergétique, pourrait être rapidement abandonnée sous la pression populaire.
En Afrique du Sud, le rand a chuté de 1,6 % face au dollar, et les marchés ont reculé. Pour les investisseurs, le continent devient à nouveau un terrain de risque, exposé à des forces qui le dépassent.
Un alignement diplomatique de plus en plus risqué
Au-delà des chiffres, ce sont les alliances discrètes nouées par l’Iran avec plusieurs pays africains qui vacillent. Depuis 2023, Téhéran avait renforcé ses liens avec des régimes en rupture avec l’Occident : le Burkina Faso d’Ibrahim Traoré, le Niger post-putsch, ou encore le Zimbabwe. Cette stratégie de contournement diplomatique, amorcée par le défunt président Raïssi, visait à inscrire l’Iran comme acteur du développement post-occidental.
Mais les frappes israéliennes remettent ces équilibres en cause. L’Iran devient un partenaire risqué, et les pays africains alignés avec Téhéran pourraient subir des pressions de la part de leurs créanciers occidentaux.
L’Afrique du Sud, soutien historique de la cause palestinienne, a condamné les frappes israéliennes, accentuant les lignes de fracture diplomatiques. À l’opposé, le Soudan, proche des Émirats arabes unis et de plus en plus enclin à coopérer avec Israël, prend ses distances avec Téhéran.
Une Afrique prise dans une guerre qui n’est pas la sienne
Mais ce n’est pas seulement une question de pétrole ou d’alliances. C’est aussi une question de survie économique. La flambée des prix de l’énergie affecte déjà les chaînes logistiques : la mer Rouge, instable depuis les attaques des Houthis, devient impraticable pour de nombreux cargos. Les transporteurs se détournent vers le cap de Bonne-Espérance, allongeant les délais et gonflant les prix.
Les pays de la Corne de l’Afrique — Éthiopie, Soudan, Somalie — paient ce surcoût logistique au prix fort, alors que leurs économies sont déjà asphyxiées par les conflits internes ou la sécheresse.
Le géopolitologue Lasisi Abara résume l’ampleur du bouleversement :
« Ce n’est plus une affaire de missiles ou de pétrole. C’est une bataille qui enferme l’Afrique dans un conflit qu’elle n’a pas choisi. »
Le prix du silence mondial
Ce nouvel embrasement entre Israël et l’Iran confirme une réalité crue : l’Afrique ne peut plus rester neutre face aux chocs mondiaux. Chaque décision prise à Jérusalem ou à Téhéran trouve son écho à Accra, Nairobi ou Johannesburg. Dans un monde interconnecté, la paix n’est plus une affaire régionale, mais un enjeu global. Et l’Afrique, longtemps reléguée au second plan, devient un thermomètre silencieux de l’instabilité planétaire.
La Rédaction

