Les lanceurs d’alertes africains ont permis de mettre la lumière sur des faits de malversations financières, de corruptions et bien d’autres. Les « Luanda Leaks » en Angola, Congo Hold Up et les Lumumba Papers en RDC, de même que le scandale de corruption en Afrique du Sud qui a poussé à la démission de Jacob Zuma de la présidence en 2018. Mais en Afrique, les lanceurs d’alertes ne bénéficient d’aucune protection suffisante lorsqu’ils rendent publics des actes de corruption ou des activités illégales.
Les lanceurs d’alerte sont des personnes qui exposent les activités illégales ou des actes qui sont contraires à l’éthique perpétrée par un individu, un gouvernement ou une organisation. Pour Jimmy Kande, Directeur de la Plateforme pour la Protection des Lanceurs d’Alerte en Afrique Francophone (PPLAAF), le lanceur d’alerte est « une personne qui révèle des informations concernant des actes illégaux, illicites ou contraires à l’intérêt général dont elle a été témoin, notamment dans le cadre de son travail afin d’y mettre un terme et provoquer un changement » il martèle que « ce n’est pas celui qui va mettre une information sur les réseaux sociaux, même s’il en a l’exclusivité qui peut être considérée comme lanceur d’alerte ». Il ajoute qu’un lanceur d’alerte « c’est quelqu’un qui travaille dans une organisation privée ou publique et ce dernier va décider de révéler des informations dont il a été témoin, victime, mais qui ont un lien avec son travail ».
Le lanceur d’alerte Congolais, Jean-Jacques Lumumba est un ancien banquier, réfugié aujourd’hui en France. En 2016, alors employé à la BGFI Bank où il occupe le poste de département de crédit, il dénonce des faits de malversations financières et de corruption qui ont lieu dans son entreprise. Une dénonciation qui est à l’origine des « Lumumba papers » et un peu plus tard de la scabreuse affaire de Congo Hold-Up. Il ne s’agit pas d’un cas isolé, la plupart des affaires qui ont secoué les plus hautes sphères des pays africains et qui ont un point en commun, toutes ont été dénoncées à la base par des lanceurs d’alertes.
Les lanceurs d’alertes font face à des risques de représailles, la peur de la perte d’emploi, de l’ostracisme social, des atteintes physiques voire des menaces de mort, surtout en Afrique où les attaques dirigées contre eux sont à la hausse ses dernières années. Pourtant, ils « sont les gardiens de la démocratie, les gardiens de la bonne gouvernance » d’après Jean-Jacques Lumumba. Le plus souvent, les dénonciateurs potentiels doivent penser à leur avenir, à leurs proches et à leurs sécurités. Ces dernières années, Manasseh Azure Awuni a dû se déplacer sous escorte policière armée fournie par le gouvernement. En 2020, il a dû aussi fuir le Ghana pour l’Afrique du Sud après avoir reçu des menaces de mort. « Tout cela a entrainé de graves problèmes de santé mentale. Cela montre à quel point il est dangereux de travailler dans un environnement où l’on peut être menacé. Vous pouvez être tué, et personne ne souffre ou ne perd le sommeil à cause de ce meurtre » déplore Mnasseh Azure Awuni.
Amadou Traoré a connu le même destin après avoir dénoncé le trafic de Bois rose qui avait lieu au Mali, une dénonciation qui a conduit à une enquête par un consortium de journalistes : « Ma vie n’a plus été la même après ça, j’ai reçu plusieurs menaces de mort. J’ai quitté mon pays à plusieurs reprises, j’ai changé fréquemment de sites de localisation ». Les seuls pays disposant de lois spécifiques sur la protection des lanceurs d’alerte sont l’Ouganda, la Tanzanie, l’Afrique du Sud, la Namibie, le Ghana, l’Éthiopie, le Botswana, le Sénégal, le Mali. Mais même dans les pays où les lanceurs d’alerte bénéficient d’une protection, des meurtres et des actes d’intimidation sont encore perpétrés.
Dans un rapport publié en février 2024 sur le « Lancement d’alerte en Afrique de l’Ouest », la PPLAAF constate une faiblesse juridique dans la protection des lanceurs d’alertes.
Jimmy Kande explique que les pays qui disposent d’une loi sont tous anglophones « et même là encore, on se rend compte que généralement ces lois découlent de ce qui avait été fait dans certains pays occidentaux et donc ne prennent pas en compte les réalités africaines ». Sans cela, explique Jean-Jacques LUMUMBA « les lanceurs ne seront pas protégés, ils seront soit exposés à l’exil, ou soit tué. Ce sont des dispositions qu’il faut mettre sur pied pour protéger ces dénonciations qui au finish aident l’État à pouvoir lutter contre la corruption et assainir ses finances publiques ».
La Rédaction