Les ombres du passé continuent de hanter Vincent Bolloré et son empire. Alors que son groupe a officiellement tourné la page de ses activités en Afrique avec la vente de Bolloré Africa Logistics en 2022, une nouvelle bataille judiciaire vient d’être engagée. Un collectif de onze organisations de lutte pour la transparence a déposé une plainte auprès du Parquet national financier (PNF), dénonçant un vaste système de corruption ayant permis l’essor de l’entreprise sur le continent.
Une plainte aux implications explosives
Derrière cette initiative, l’association Restitution pour l’Afrique (RAF), appuyée par plusieurs ONG implantées au Togo, en Guinée, au Cameroun et en France. Leur objectif est clair : obtenir la reconnaissance de pratiques frauduleuses et réclamer la restitution aux États africains des milliards d’euros générés par la cession de la filiale logistique. Selon les plaignants, certaines infrastructures contrôlées par Bolloré auraient été obtenues grâce à des procédés illégaux, déjà mis en lumière par la justice.
Ce dépôt de plainte intervient alors que le PNF a récemment requis le renvoi en procès de Vincent Bolloré pour des faits de corruption liés à l’attribution de concessions portuaires en Afrique. Cette fois-ci, la procédure vise directement la société Bolloré SE, son propriétaire et son PDG actuel, Cyrille Bolloré, fils du magnat breton.
Le poids d’un empire bâti sur la logistique
Pendant des décennies, Bolloré Africa Logistics a régné en maître sur les ports et infrastructures stratégiques du continent. Présent dans une vingtaine de pays, le groupe gérait des terminaux portuaires, des chemins de fer et des plateformes logistiques vitales pour les échanges commerciaux africains. Cette domination a cependant été régulièrement entachée par des soupçons de collusions avec certains dirigeants locaux pour l’obtention de concessions lucratives.
En 2021, Vincent Bolloré et son groupe avaient déjà reconnu devant la justice française des manœuvres frauduleuses en Guinée et au Togo, impliquant le financement occulte de campagnes électorales en échange de contrats préférentiels. L’accord conclu alors avec le PNF avait permis d’éviter un procès, mais l’affaire avait marqué un tournant dans la perception de l’influence du groupe sur le continent.
La restitution des gains en question
Pour les organisations derrière cette nouvelle plainte, il ne s’agit plus seulement d’établir des responsabilités, mais de récupérer une partie des sommes issues de la vente des activités africaines de Bolloré. L’accord de cession signé en 2022 avec le géant suisse MSC s’élevait à 5,7 milliards d’euros, une manne que les plaignants estiment entachée par des pratiques illégales.
La question centrale sera donc celle de la traçabilité des fonds et de leur éventuelle origine frauduleuse. Si la justice donne suite à cette plainte, cela pourrait ouvrir un précédent judiciaire majeur en matière de lutte contre la corruption internationale et de restitution d’avoirs acquis illégalement.
Bolloré garde le silence
Face à ces accusations, le groupe Bolloré et ses représentants n’ont pas souhaité réagir. Son avocat, Olivier Baratelli, a simplement déclaré ne pas « estimer utile » de répondre aux sollicitations. Une stratégie de discrétion qui tranche avec l’ampleur de la plainte déposée et la portée potentielle de l’affaire.
Si la justice française venait à confirmer ces accusations, cela pourrait marquer une véritable onde de choc pour les grandes entreprises européennes historiquement implantées en Afrique. L’ère des concessions obtenues dans l’opacité semble révolue, et cette affaire pourrait bien accélérer une prise de conscience sur la nécessité d’une transparence accrue dans les relations économiques entre l’Europe et l’Afrique.
La Rédaction

