Depuis plusieurs années, l’Église catholique romaine s’impose comme une force incontournable dans la vie politique nigériane. Forte de près de 30 millions de fidèles, elle influence profondément les élections, en particulier dans la Ceinture Centrale et le Sud-Est du pays.
L’ascension politique des prêtres catholiques
En 2022, l’État de Benue a vu l’ascension spectaculaire du révérend père Hyacinth Alia, candidat du All Progressives Congress (APC). Suspendu par son évêque pour sa participation à la politique, Alia a su capitaliser sur sa réputation spirituelle pour mobiliser une large partie de l’électorat chrétien. Son slogan, « Oui, père », a fait de sa campagne un véritable mouvement populaire, propulsant non seulement sa victoire au poste de gouverneur, mais renforçant aussi la position de l’APC dans la région lors de l’élection présidentielle.
Cette percée n’est pas un cas isolé. En 1992, le père Moses Adasu avait déjà été élu gouverneur dans le même État. Preuve que, dans certaines régions du Nigéria, l’engagement politique des prêtres dépasse largement la simple influence spirituelle.
Une Église omniprésente dans le Sud-Est
Dans la région du Sud-Est, fief du peuple Igbo, la domination catholique est encore plus visible. À Anambra, tous les gouverneurs élus sous la Quatrième République, sauf un, étaient catholiques. L’Église ne se contente pas d’accompagner les candidats : elle participe activement à leur sélection et à leur promotion.
Peter Obi, ancien gouverneur et ex-candidat à la présidence, illustre parfaitement ce phénomène. Son ancrage catholique, soutenu par les évêques locaux et renforcé par ses liens familiaux avec l’Église, a joué un rôle majeur dans ses campagnes électorales. Les institutions éducatives catholiques comme le Christ the King College à Onitsha forment également de nombreux leaders politiques et juges influents.
Quand la foi modèle les stratégies politiques
Au Nigéria, la pratique religieuse est l’une des plus intenses au monde : 94 % des catholiques déclarent assister à la messe chaque semaine. Cette ferveur fait des prêtres des figures de confiance, capables d’orienter les choix politiques de leurs fidèles.
Des figures emblématiques comme le père Ejike Mbaka, célèbre pour ses prêches influents à Enugu, ou le père Matthew Kukah, médiateur national pour la paix, incarnent cette interconnexion entre foi et politique. Leur soutien est recherché par tous, y compris par des hommes politiques musulmans.
Une influence en débat
Si l’influence catholique apporte stabilité et structuration politique dans certaines régions, elle suscite aussi des tensions. En 2015, des religieux anglicans de l’État d’Enugu ont publiquement contesté la mainmise catholique sur les plus hautes fonctions politiques. Les accusations d’exclusion confessionnelle continuent d’alimenter les débats sur le rôle des Églises dans une démocratie multi-religieuse comme celle du Nigéria.
À l’heure où le pays se prépare à de nouvelles échéances électorales, une chose est sûre : ignorer l’Église catholique serait une erreur stratégique pour tout aspirant au pouvoir.
La Rédaction

