Les interfaces cerveau-machine (ICM) révolutionnent peu à peu le domaine médical. Imaginées dès les années 1970, ces technologies autrefois utopiques deviennent une réalité tangible. Si Neuralink, avec sa puce N1, est l’exemple le plus médiatisé, d’autres chercheurs repoussent également les limites du possible. En Suède, une équipe de l’Université Chalmers est parvenue à redonner des sensations tactiles à deux patients paralysés grâce à un dispositif d’implantation neuronale inédit.
Redécouvrir le toucher grâce à un implant cérébral
Dirigée par le Professeur Giacomo Valle, l’équipe suédoise a mis au point une méthode novatrice permettant de convertir les informations tactiles en signaux neurologiques compréhensibles par le cerveau. Le dispositif repose sur des électrodes implantées dans les régions cérébrales liées aux sensations et aux mouvements des mains.
L’enjeu majeur de cette technologie réside dans la précision des signaux transmis. « Il fallait que notre message soit parfaitement compris par le cerveau », explique Valle. Un moindre décalage dans l’encodage aurait pu provoquer des sensations erronées ou confuses. Grâce à un protocole minutieux, les chercheurs ont réussi à capter et à recréer des schémas électriques similaires à ceux générés naturellement par une main fonctionnelle.
Mais l’innovation ne s’arrête pas là. Contrairement aux systèmes classiques qui se contentent d’envoyer des commandes aux prothèses, cette interface fonctionne dans les deux sens : elle restitue également des sensations tactiles aux patients. Cette avancée marque une étape clé dans la mise au point d’un « toucher artificiel » perçu comme naturel par le cerveau.
Une progression sensorielle impressionnante
L’expérimentation a suivi un protocole progressif, permettant aux patients de réapprendre à percevoir des sensations. D’abord limitées à de simples contacts, les stimulations se sont complexifiées au fil du temps. Peu à peu, les participants ont pu distinguer des formes géométriques, des textures, puis des objets en trois dimensions. À terme, ils sont même parvenus à ressentir le déplacement d’un stimulus sur toute la surface de leur main bionique.
Pour les chercheurs, ces résultats sont d’autant plus impressionnants que le système utilise un nombre limité de canaux neuronaux. « Si nous obtenons déjà ces performances avec peu de connexions, imaginez ce que nous pourrons accomplir avec une interface plus dense », s’enthousiasme Valle.
La prochaine étape : une peau numérique
Malgré ces avancées, il reste encore du chemin avant une application clinique généralisée. L’un des défis majeurs est le développement d’une « peau numérique », une interface capable de transmettre en temps réel l’ensemble des informations sensorielles d’une main humaine : pression, température, textures… Les recherches sur les peaux électroniques (« E-skin ») et les prothèses biomimétiques sont en bonne voie, mais nécessitent encore des perfectionnements pour offrir une expérience sensorielle complète.
Les patients participant à ces essais savent qu’ils ne bénéficieront peut-être pas directement des futures améliorations, mais leur contribution ouvre la voie à des avancées médicales majeures. « Sans eux, rien de tout cela ne serait possible », rappelle Valle. Ces pionniers du toucher artificiel redonnent espoir à des milliers de personnes privées de sensations et tracent les premiers contours d’une révolution sensorielle.
La Rédaction