Une femme dans l’abstraction, héritière des grands artistes du XXe siècle
L’histoire de l’art a longtemps relégué les femmes à l’ombre des figures masculines dominantes. Pourtant, des pionnières comme Helen Frankenthaler, Joan Mitchell ou encore Lee Krasner ont su imposer leur vision, révolutionnant l’abstraction en y insufflant une sensibilité singulière. Mariya ES-SOUFI s’inscrit dans cette lignée, affirmant avec force la place des femmes dans la création contemporaine.Son geste est libre, spontané, libéré des carcans académiques, mais il porte aussi l’empreinte d’une introspection profonde, d’un dialogue intime entre son identité de femme, son héritage culturel et son rapport au monde. À travers ses toiles, elle brise les frontières et affirme que l’abstraction n’est pas un langage neutre : c’est une écriture du corps, de l’émotion, de l’instinct.

Une abstraction nourrie par les couleurs du Maroc
Si Mariya ES-SOUFI puise dans l’héritage universel de l’abstraction, ses œuvres sont profondément ancrées dans sa terre natale, le Maroc. À l’instar de Chaïbia Talal, figure incontournable de l’art marocain, elle fait dialoguer modernité et traditions, puisant dans les palettes vives et les textures organiques qui rappellent les souks, les paysages désertiques et les architectures ocre de son pays. Ses compositions évoquent parfois les zelliges, ces mosaïques marocaines aux formes imbriquées, mais déconstruites par la spontanéité du geste. Les ocres chaleureux, les bleus profonds qui rappellent Chefchaouen ou Essaouira, les blancs éclatants qui traduisent la lumière crue du Maghreb… tout dans son travail semble habité par les couleurs et l’énergie de son pays.


Une peinture qui convoque la mémoire et l’imaginaire
L’abstraction de Mariya ES-SOUFI ne se contente pas de juxtaposer des couleurs et des formes : elle est un espace de mémoire, un lieu où les émotions et les réminiscences prennent corps. Comme Etel Adnan, autre grande artiste d’origine arabe, ES-SOUFI explore la relation entre l’intime et l’universel, entre la terre natale et l’abstraction pure. Son travail, par ses textures et sa gestuelle, évoque les traces du temps, les palimpsestes de souvenirs que chaque spectateur peut réinterpréter à sa manière. Il ne s’agit pas de raconter une histoire linéaire, mais d’ouvrir une porte sur l’imaginaire, de permettre à chacun d’habiter l’œuvre avec sa propre sensibilité.


L’abstraction comme acte de liberté
Dans un monde où l’image est omniprésente et souvent formatée, Mariya ES-SOUFI rappelle que la peinture abstraite est un acte de résistance, un espace de liberté absolue. Son œuvre refuse les cadres, les définitions figées, et invite à une expérience purement sensorielle. Comme les grandes figures féminines de l’art qui l’ont précédée, elle fait de son travail une affirmation : celle du droit des femmes à créer sans contraintes, à investir l’abstraction avec une vision qui leur est propre, à s’inscrire dans une histoire où leur place a trop souvent été minimisée. Mariya ES-SOUFI, par son art, nous rappelle que la peinture ne se limite pas à représenter le visible : elle est une force vive, une vibration de l’âme, un langage qui transcende les frontières et les genres pour toucher à l’essentiel.
Richard Laté Lawson-Body