À l’aube de son 80e anniversaire, l’Organisation des Nations unies vacille sur ses fondations budgétaires. Dans cette tempête, l’Afrique risque d’être le continent le plus violemment secoué. Une austérité imposée au sommet de la diplomatie mondiale, et ce sont des millions de vies africaines qui tremblent à la base.
Une ONU au bord du défaut de paiement
Le 12 mai 2025, António Guterres n’a pas cherché à maquiller la gravité de la situation. « Nous vivons une période de périls… », a-t-il déclaré aux États membres lors d’un briefing. L’ONU, pilier de l’ordre international, se retrouve en crise financière aiguë. Les contributions tardives de plusieurs grandes puissances, conjuguées à une inflation des besoins humanitaires dans un monde bouleversé, laissent planer le spectre d’un défaut de paiement.
Ce resserrement budgétaire, loin d’être anodin, s’accompagne d’un plan d’austérité qui affectera les opérations de maintien de la paix, l’aide humanitaire, les programmes de développement durable. Et c’est l’Afrique qui paiera l’addition la plus lourde.
L’Afrique, cible involontaire des coupes
Des coupes budgétaires sont déjà annoncées pour plusieurs missions de maintien de la paix. La MONUSCO en République démocratique du Congo, l’une des plus importantes du continent, est contrainte de réduire sa voilure. Le retrait progressif des Casques bleus fragilise les régions encore marquées par les violences armées. Les populations civiles, femmes et enfants en tête, se retrouvent de nouveau à la merci des groupes armés.
Mais la menace va bien au-delà du volet sécuritaire. L’Afrique dépend également massivement des programmes onusiens dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’agriculture et de la protection des réfugiés. Chaque coupe dans le budget de l’UNICEF, du PAM ou de l’OMS se traduit par des vaccins en moins, des repas scolaires suspendus, des centres de soins fermés.
Une crise révélatrice d’un déséquilibre ancien
Si la situation actuelle est critique, elle n’est pas née de nulle part. Depuis des années, les États africains dénoncent une architecture financière internationale déséquilibrée. Accès restreint aux financements concessionnels, fardeau de la dette, dépendance aux agences multilatérales : l’Afrique ne dispose pas des leviers nécessaires pour compenser seule le désengagement onusien.
António Guterres lui-même appelle à une réforme en profondeur du système financier mondial. Il plaide pour des mécanismes de solidarité mieux adaptés aux besoins réels des pays du Sud et une gouvernance plus équitable. Mais dans l’immédiat, c’est la survie de millions d’Africains qui se joue.
Risques de déstabilisation sociale
Le repli de l’ONU arrive dans un contexte déjà tendu. Les émeutes liées au coût de la vie, aux pénuries et à l’injustice sociale se multiplient à travers le continent. Au Ghana, au Kenya ou en Côte d’Ivoire, les rues grondent. Loin d’apaiser les tensions, le retrait progressif de l’aide internationale pourrait aggraver les frustrations.
Certains observateurs craignent une recrudescence des conflits, une poussée des migrations ou encore une exploitation politique de ce vide humanitaire par des régimes autoritaires ou des groupes extrémistes.
Repenser le rôle des Nations unies en Afrique
Cette crise agit comme un révélateur brutal : le modèle onusien, fondé sur la solidarité financière des États riches, atteint ses limites. Pour l’Afrique, il devient impératif d’exiger un siège plus central à la table des décisions. Non pas seulement comme bénéficiaire de programmes, mais comme co-concepteur d’un multilatéralisme rénové, décolonisé, plus juste.
L’ONU, affaiblie, ne peut plus porter seule le fardeau de la stabilité mondiale. Si l’Afrique veut éviter une décennie perdue, elle devra elle aussi se réinventer, diversifier ses partenaires, investir dans ses propres mécanismes de résilience… tout en continuant de plaider pour une gouvernance mondiale à visage humain.
La Rédaction

