À Port-au-Prince, la mort n’effraie pas, elle se célèbre. Samedi, les rues de la capitale haïtienne ont vibré au rythme des tambours, des chants et des couleurs violettes, symboles des esprits Gede. En plein chaos politique et social, des centaines de fidèles se sont rassemblés pour honorer leurs ancêtres lors du festival annuel du vodou, célébrant le jour des morts.
Une communion avec les esprits
Le cœur du rituel repose sur Gede, l’esprit espiègle et gardien du passage entre les vivants et les morts. Autour des tombes, les fidèles dansent, boivent du rhum, se couvrent de piments et versent du café noir sur la terre. Chaque geste porte une signification : attirer la protection des esprits, conjurer la malchance, ou encore manifester la gratitude envers les défunts. Les offrandes – plantains, poisson, pain, avocats – forment une table symbolique où les mondes visible et invisible se rencontrent.
Héritage africain et foi résistante
Né au XVIe siècle de la fusion entre le catholicisme imposé et les cultes africains, le vodou demeure aujourd’hui le cœur spirituel d’Haïti. Derrière les rituels colorés se cache une philosophie : celle d’un peuple qui, depuis l’esclavage, a fait de la foi un espace de résistance. Le vodou n’est pas seulement une religion, il est un langage de mémoire, un lien vivant entre les générations.
Une célébration face au désespoir
Mais cette année, la ferveur des fidèles s’élève dans un climat de terreur. Près de 90 % de Port-au-Prince est sous contrôle de gangs armés, laissant la population à la merci de la violence et du désespoir. Malgré tout, le festival du jour des morts a offert une parenthèse de fraternité, rappelant que, même dans la peur, la culture et la foi peuvent encore unir un peuple meurtri.
Dans la lumière tremblante des bougies et les effluves du rhum versé à terre, Haïti continue d’honorer ses morts – et de prouver que la vie, malgré tout, persiste.
La Rédaction

