Depuis plusieurs décennies, le nom de l’aéroport international de Kotoka à Accra est source de tensions au sein de l’opinion publique ghanéenne. De plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer qu’il soit rebaptisé, jugeant inapproprié qu’un monument aussi emblématique porte le nom du lieutenant-général Emmanuel Kwasi Kotoka, l’un des acteurs majeurs du coup d’État de 1966 ayant renversé le président Kwame Nkrumah.
Une mémoire contestée
Le lieutenant-général Kotoka a joué un rôle clé dans le renversement de Nkrumah, premier président du Ghana et figure du panafricanisme. Après le coup d’État, le Conseil de libération nationale (NLC), dirigé par la junte militaire, a décidé de donner son nom à l’aéroport. Kotoka a cependant trouvé la mort un an plus tard, en 1967, lors d’une tentative de contre-coup d’État.
Pour de nombreux Ghanéens, notamment les partisans de Nkrumah, le maintien de son nom sur un aéroport international constitue un affront aux principes démocratiques. Le Convention People’s Party (CPP), parti fondé par Nkrumah, est l’un des fers de lance du mouvement demandant un changement de nom. Selon eux, il est paradoxal qu’un pays condamnant les putschs continue d’honorer un militaire ayant renversé un gouvernement élu.
Un débat politique et social
La question a récemment pris une tournure juridique. Democracy Hub, une organisation de la société civile, et le CPP ont saisi la Cour suprême afin d’obtenir le retrait du nom Kotoka de l’aéroport. Oliver Barker-Vormawor, responsable de Democracy Hub, estime que le pays doit tirer un trait sur cette contradiction historique. « Depuis 59 ans, le Ghana dénonce les coups d’État tout en honorant un de leurs auteurs. Il est temps de corriger cette erreur », a-t-il déclaré.
L’opposition politique s’est également emparée du sujet. John Asiedu Nketiah, président du National Democratic Congress (NDC), a publiquement soutenu le changement de nom, affirmant que Nkrumah méritait davantage cet honneur pour son rôle dans l’indépendance du Ghana.
Une controverse aux multiples facettes
La question du nom de l’aéroport divise également les experts et la population. Certains historiens, comme Kwaku Darko Ankrah, soutiennent que les monuments nationaux doivent refléter les idéaux démocratiques et que la dénomination de l’aéroport devrait être revue. D’autres estiment que cette démarche pourrait ouvrir la porte à des relectures sélectives de l’histoire et créer des précédents délicats.
Sur les réseaux sociaux, le débat fait rage. Des personnalités publiques, des journalistes et des juristes s’opposent sur les implications d’un tel changement. Si certains y voient une nécessité historique, d’autres jugent que cela pourrait raviver d’anciennes tensions politiques.
Une décision attendue
Pour l’instant, les autorités ghanéennes n’ont pas pris position officiellement sur cette demande de renommage. Cependant, la pression populaire et le recours en justice pourraient forcer le gouvernement à trancher. Au-delà du simple nom d’un aéroport, cette controverse soulève une question plus large : comment une nation doit-elle gérer son passé et honorer sa mémoire collective ?
La Rédaction

