La victoire de Brice Clotaire Oligui Nguema à la présidentielle gabonaise, avec plus de 90 % des suffrages exprimés, ne fait plus de doute. Mais derrière ce score sans appel se cache une attente immense : celle d’un peuple en quête de dignité, de services de base et de réformes concrètes. Alors que les félicitations affluent, notamment de la part d’Emmanuel Macron, la question centrale demeure : et maintenant ?
L’appel de Macron : un geste diplomatique fort
Peu après l’annonce des résultats provisoires, Emmanuel Macron a téléphoné à Oligui Nguema pour le féliciter. Ce geste rapide confirme la volonté de Paris de maintenir des relations privilégiées avec Libreville, malgré les crispations de ces dernières années entre la France et plusieurs capitales africaines. Depuis le coup d’État d’août 2023, Macron n’a jamais totalement rompu le lien, misant sur une transition maîtrisée. Les rencontres à Dubaï lors de la COP28 puis à Paris au printemps 2024 ont consolidé cette approche. L’appel du 13 avril s’inscrit dans cette continuité.
Un pays riche, une population appauvrie
Le Gabon n’est pas un pays pauvre. Il est riche de son pétrole, de son manganèse, de ses forêts. Pourtant, une large part de la population vit dans la précarité. En 2024, la croissance a atteint 2,9 %, portée par le secteur extractif et les investissements publics. Mais cette croissance reste peu inclusive. La promesse du président élu est claire : « transformer la rente en richesse collective ». La nationalisation d’Assala Energy en 2024 et sa fusion avec la Gabon Oil Company marque une tentative de reprendre la main sur les leviers économiques du pays. Une tentative seulement, car sans réformes profondes et redistribution équitable, la manne pétrolière continuera de creuser les inégalités.
Électricité, eau : des urgences structurelles
C’est l’une des premières doléances de la population : l’accès à l’eau potable et à une électricité stable. À Libreville, comme dans l’intérieur du pays, les coupures sont quotidiennes. En septembre 2024, Oligui Nguema avait convoqué d’urgence les principaux acteurs du secteur énergétique. Depuis, des groupes électrogènes ont été déployés, des transformateurs installés et la SEEG (Société d’énergie et d’eau du Gabon) placée sous administration provisoire. Mais ces mesures restent transitoires. Les Gabonais attendent une réforme structurelle, pas des rustines.
Les attentes d’un peuple éveillé
Les Gabonais n’attendent pas seulement des infrastructures. Ils veulent du travail, une justice indépendante, une administration efficace. La création de plus de 160 000 emplois à travers des projets ambitieux comme le port en eau profonde de Mayumba ou la nouvelle ligne ferroviaire Booué-Mayumba suscite l’espoir, mais aussi le doute. Car dans un pays marqué par des décennies de promesses non tenues, les paroles ne suffisent plus. Il faut des actes. Concrets, visibles, durables.
Une confiance fragile, mais vivante
Oligui Nguema, général devenu président, doit composer avec son passé : celui d’un homme issu du système Bongo. S’il veut gagner la confiance des Gabonais, il devra rompre avec les pratiques anciennes. La confiance se construit. Elle ne se décrète pas. Et si les premières mesures prises depuis la transition ont été bien accueillies – réduction du train de vie de l’État, audit des comptes publics, arrestations pour corruption – la population attend désormais des résultats tangibles dans son quotidien.
Un président seul face à l’histoire ?
Avec cette victoire écrasante, Brice Oligui Nguema détient une légitimité sans précédent depuis la fin du régime Bongo. Mais cette légitimité est une responsabilité. Celle de réconcilier le Gabon avec lui-même. De sortir d’un modèle rentier et patrimonial pour bâtir une économie productive et inclusive. De faire de l’eau courante et de l’électricité un droit, non un luxe. Et surtout, de redonner confiance à un peuple qui a trop souvent été relégué au rang de spectateur de sa propre histoire.
La Rédaction

