Les relations entre la France et les Comores connaissent une nouvelle crispation autour de la question migratoire à Mayotte. Alors que le gouvernement français envisage de durcir le droit du sol pour limiter l’immigration en provenance des Comores, le président comorien Azali Assoumani refuse d’accueillir les expulsés depuis Mayotte, une île dont son pays revendique toujours la souveraineté. Ce regain de tensions s’inscrit dans une histoire marquée par les rivalités politiques et les séquelles du passé colonial.
Une catastrophe qui ravive les tensions
Le passage du cyclone Chido sur Mayotte en décembre 2024 a laissé derrière lui un paysage de dévastation, mettant en lumière les conditions précaires dans lesquelles vivent de nombreux habitants, notamment les migrants clandestins. Cet événement a relancé les débats sur l’immigration illégale et exacerbé les tensions entre la France et l’Union des Comores.
Mayotte, unique département français de l’océan Indien depuis 2011, fait partie de l’archipel des Comores, qui comprend également la Grande Comore, Mohéli et Anjouan. Ces trois dernières îles ont accédé à l’indépendance en 1975, tandis que Mayotte a choisi de rester sous souveraineté française. Cette partition, source de différends persistants, est au cœur des tensions migratoires actuelles.
Un héritage colonial toujours présent
Les Comores, colonisées par la France dès 1841 avec l’annexion de Mayotte, ont connu une histoire marquée par la domination coloniale et les inégalités économiques. Dès le début du XXe siècle, la migration vers Madagascar constituait une échappatoire aux difficultés économiques, permettant aux élites comoriennes d’accéder à l’éducation et aux emplois administratifs coloniaux.
En 1946, l’archipel devient un territoire d’outre-mer français. La montée des revendications indépendantistes dans les années 1960 aboutit à un référendum en 1974, où Mayotte choisit de rester française tandis que les autres îles optent pour l’indépendance. Cette situation ouvre la voie à une instabilité politique marquée par des coups d’État à répétition et des interventions de mercenaires français, notamment Bob Denard, qui a joué un rôle central dans la vie politique comorienne jusqu’à la fin des années 1980.
Une société fragmentée et des tensions migratoires
Les divisions internes aux Comores compliquent encore la situation. La forte hiérarchisation sociale et les rivalités entre îles ont affaibli la construction de l’État comorien, contribuant aux vagues migratoires vers Mayotte. Les Mahorais, qui jouissent d’un niveau de vie supérieur grâce au statut français, exploitent cette main-d’œuvre clandestine tout en rejetant une intégration complète des migrants.
Aujourd’hui, plus de 350 000 Comoriens vivent en France, dont 150 000 à Mayotte. Ces diasporas envoient d’importants transferts financiers à leur pays d’origine, mais restent souvent marginalisées dans les décisions politiques. De son côté, la France tente d’imposer un contrôle plus strict des migrations en échange d’aides financières, une stratégie qui n’a pas permis d’endiguer les flux.
Un dialogue sous tension
Face à cette situation, la coopération franco-comorienne se heurte à des intérêts divergents. Paris considère l’immigration en provenance des Comores comme un problème de gestion des flux migratoires, tandis que Moroni y voit un droit naturel de circulation sur un territoire qu’il revendique toujours.
En 2019, un accord prévoyait une aide de 150 millions d’euros sur trois ans en échange d’un engagement des Comores à freiner l’émigration vers Mayotte. Mais en 2024, cette aide, réduite à 50 millions d’euros, n’a eu aucun effet significatif. Fidèle à la position de son pays, le président Azali Assoumani a réaffirmé en 2025 qu’il n’accepterait pas le retour forcé des Comoriens expulsés depuis Mayotte, maintenant ainsi l’impasse diplomatique entre les deux nations.
La Rédaction