Un contrôle technologique au cœur de l’occupation
En Cisjordanie, un système de surveillance et de contrôle d’une ampleur inédite s’impose peu à peu à la population palestinienne. Derrière les check-points, les zones bouclées et les barrières physiques, un autre mur s’est dressé : celui des bases de données, des cartes biométriques et des autorisations électroniques. Plusieurs ONG de défense des droits humains parlent désormais d’un « apartheid électronique », expression qui fait débat.
Un terme controversé, mais révélateur
Le mot « apartheid » est ici employé par des organisations comme Amnesty International et Human Rights Watch pour désigner un système de séparation et de traitement différencié entre Israéliens et Palestiniens.
Israël rejette cette qualification et invoque des motifs de sécurité, soulignant que les contrôles sont nécessaires pour prévenir les attaques.
L’emploi du terme « électronique » renvoie à l’usage croissant des technologies de surveillance — caméras, bases de données biométriques et cartes d’identité numérisées — pour réguler les déplacements et les résidences palestiniennes.
Loin de tout jugement politique, cette expression traduit surtout une réalité administrative et technologique : celle d’un contrôle numérique quotidien qui encadre la vie des habitants palestiniens.
Des permis pour exister
Pour se déplacer, accéder à un hôpital, travailler, étudier ou simplement habiter leur propre maison, les Palestiniens doivent obtenir un permis délivré par l’administration militaire israélienne. Ces autorisations, souvent temporaires, sont accordées selon des critères complexes et peu transparents.
Dans certaines localités de Jérusalem-Est et de Cisjordanie — comme Beit Iksa, Nabi Samwil ou Al-Khalayleh —, les résidents doivent désormais posséder un permis de résidence spécial pour rester dans leur propre village. Ces mesures transforment parfois des habitants en « résidents temporaires » sur leurs propres terres.
Une bureaucratie qui fragilise la vie palestinienne
Le Norwegian Refugee Council (NRC) rapporte qu’entre janvier et septembre 2025, 1 288 structures palestiniennes ont été détruites pour absence de permis de construire — une hausse de 39 % par rapport à l’année précédente.
Dans la Zone C, qui couvre plus de 60 % de la Cisjordanie sous contrôle israélien complet, aucune demande palestinienne de construction n’a été approuvée depuis plus d’un an. Ce refus quasi systématique pousse les familles à construire sans autorisation, au risque de voir leurs habitations démolies.
Chaque mur détruit devient ainsi une arme administrative, chaque ruine un symbole de la précarité d’un droit à la terre devenu conditionnel.
Quand la technologie renforce le contrôle
Amnesty International dénonce l’usage accru de systèmes biométriques et de reconnaissance faciale dans les points de passage en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Ces dispositifs, intégrés dans les check-points automatisés, scannent visages et cartes d’identité avant d’autoriser le passage.
Présentés comme des outils de sécurité, ces systèmes établissent en réalité une hiérarchie numérique des droits : liberté de mouvement totale pour les colons israéliens, contrôles stricts et autorisations temporaires pour les Palestiniens.
Un mur invisible, mais bien réel
Cet ensemble de dispositifs, permis et bases de données constitue un mur invisible, moins spectaculaire que les blocs de béton mais tout aussi contraignant.
Il structure une société où chaque déplacement, chaque accès aux soins, chaque démarche familiale dépend d’une validation électronique.
Pour les observateurs internationaux, ce système vise autant à contrôler le territoire qu’à reconfigurer la présence palestinienne, en décourageant les constructions et en restreignant la mobilité.
Le droit de vivre sous autorisation
Au-delà du débat sur les mots, c’est une réalité humaine qui se dessine : celle de familles contraintes de demander un permis pour exister, d’élèves contrôlés pour aller à l’école, de malades filtrés pour se rendre à l’hôpital.
Ce contrôle numérique, qu’il soit qualifié ou non d’« apartheid », soulève une question essentielle : peut-on garantir la sécurité sans restreindre la liberté de tout un peuple ?
La Rédaction

