Alors que de nombreux pays africains revendiquent une souveraineté totale sur leurs ressources naturelles, le Botswana a pris une voie plus mesurée en renouvelant son partenariat avec la société minière De Beers. Ce nouvel accord, signé pour 25 ans, conserve le modèle de coentreprise 50/50 avec Debswana, mais modifie progressivement les règles de commercialisation des diamants. Si cette approche assure une certaine stabilité économique, elle soulève aussi des interrogations sur la capacité du pays à s’affranchir, à terme, de son partenaire historique.
Un partenariat qui a fait ses preuves
Depuis des décennies, le Botswana s’appuie sur son alliance avec De Beers pour exploiter l’un des plus importants gisements de diamants au monde. Ce modèle a permis au pays d’échapper au piège de la « malédiction des ressources » en garantissant une gestion transparente et en redistribuant les revenus dans des secteurs clés comme l’éducation et les infrastructures. Contrairement à d’autres nations africaines où l’exploitation minière a souvent été synonyme de corruption et d’instabilité, le Botswana a su transformer cette manne en un moteur de développement.
Cependant, cette réussite repose en grande partie sur le contrôle de De Beers sur la vente des diamants. Jusqu’à présent, le gouvernement botswanais ne pouvait commercialiser indépendamment que 25 % de sa production. L’ancien président Mokgweetsi Masisi avait tenté de renégocier ce quota à 50 %, mais le nouvel accord signé par son successeur Duma Boko acte une augmentation plus progressive : 30 % immédiatement, avec un objectif conditionnel de 40 % d’ici 2035.
Souveraineté minière : un enjeu continental
Dans un contexte où plusieurs nations africaines reprennent le contrôle total de leurs ressources, l’approche du Botswana peut sembler prudente, voire trop modérée. Des pays comme la Namibie ou la RDC cherchent à maximiser leurs revenus en imposant des règles plus strictes aux entreprises étrangères, voire en nationalisant certaines exploitations. L’idée est simple : éviter que la richesse du sous-sol profite davantage aux multinationales qu’aux populations locales.
Le Botswana, lui, fait le choix d’une transition en douceur. Cette décision peut s’expliquer par plusieurs facteurs :
1.Un marché volatile : vendre directement une part plus importante de la production expose le pays aux fluctuations des prix du diamant, un secteur soumis à des cycles économiques parfois brutaux.
2.Le besoin d’expertise : De Beers possède un savoir-faire et un réseau de distribution mondial qui garantit des ventes optimales, un atout non négligeable pour un pays qui ne dispose pas encore d’une structure de commercialisation aussi performante.
3.Le risque d’instabilité économique : une rupture brutale avec De Beers pourrait créer des tensions et compromettre les investissements étrangers, un facteur clé pour la stabilité macroéconomique du pays.
Un compromis viable ou une dépendance maintenue ?
L’augmentation du quota de vente indépendante représente une avancée, mais elle reste en deçà des ambitions initiales du Botswana. Certains analystes estiment que le pays aurait pu obtenir davantage, notamment en profitant du contexte où De Beers est sous pression face à une demande mondiale fluctuante. D’autres voient dans cet accord une manière intelligente de sécuriser une transition progressive, sans brusquer un modèle économique qui a fait ses preuves.
La vraie question est de savoir si, d’ici 2035, le Botswana sera prêt à aller plus loin. Pour cela, il devra développer ses propres infrastructures de vente et de transformation, former des experts capables de négocier directement sur les marchés internationaux et créer des alternatives solides à la domination de De Beers.
En optant pour une évolution progressive plutôt qu’une rupture nette, le Botswana privilégie la stabilité à une souveraineté immédiate. Si ce choix lui permet d’éviter les turbulences à court terme, il pose aussi un défi majeur : comment bâtir, dans les prochaines décennies, un modèle où le pays pourra exploiter et vendre ses diamants en toute indépendance ? Le temps dira si cette stratégie était un calcul judicieux ou une occasion manquée de s’affranchir d’un partenariat devenu, au fil du temps, une forme de dépendance économique.
La Rédaction