L’Arabie saoudite reste l’un des pays qui applique le plus la peine de mort au monde. En 2024, le royaume a exécuté 338 personnes, un chiffre en forte hausse par rapport aux années précédentes. Parmi elles, de nombreux étrangers, souvent jugés dans des conditions opaques, privés de défense adéquate et exécutés sans que leurs familles n’en soient informées. Pour ces proches, le calvaire ne s’arrête pas là : les autorités saoudiennes refusent systématiquement de leur restituer les corps, les condamnant à un deuil sans sépulture.
Procès expéditifs et exécutions dans l’ombre
Noura Fouad n’a jamais pu dire adieu à son mari. Moammar Kadhafi, un Égyptien qui transportait des légumes entre son pays et l’Arabie saoudite, a été arrêté en 2017 et exécuté trois ans plus tard pour trafic de drogue. “Il a été piégé par des trafiquants”, affirme-t-elle, assurant qu’il était innocent et que son casier judiciaire en Égypte était vierge.
Durant son procès, il n’a eu droit qu’à un avocat commis d’office, qui n’a pas véritablement assuré sa défense. Noura, faute de visa, n’a jamais pu lui rendre visite en prison. L’annonce de son exécution ne lui est pas parvenue officiellement : elle l’a apprise par les médias et les collègues de son mari. “Nous ne sommes pas des chiens !”, s’indigne-t-elle face à l’absence de réponse des autorités saoudiennes.
Depuis, elle se bat pour récupérer son corps. “Je suis allée à l’ambassade saoudienne au Caire, mais personne ne m’a aidée”, raconte-t-elle. Après des mois d’attente, elle n’a reçu que son passeport, son certificat de décès et son testament. La dépouille, elle, demeure introuvable.
Un système judiciaire impitoyable pour les étrangers
Les cas comme celui du mari de Noura sont nombreux. En 2024, sur les 129 étrangers exécutés en Arabie saoudite, 85 l’ont été pour des affaires de drogue. Des exécutions qui ont souvent lieu sans que les accusés, leurs familles ou même leurs avocats n’en soient informés.
“Dans la majorité des cas documentés, les accusés n’ont pas eu accès à un avocat”, dénonce une experte de Human Rights Watch. “Et quand ils en avaient un, il était commis d’office et n’a fait que peu d’efforts pour les défendre.”
Un diplomate basé à Riyad regrette également le manque de transparence des procès : “Nous n’avons pas accès aux informations en temps réel, et lorsqu’elles nous parviennent, il est souvent trop tard pour intervenir.”
Des promesses de réformes trahies par les chiffres
En 2022, le prince héritier Mohammed ben Salmane avait promis de limiter la peine capitale aux crimes les plus graves. Pourtant, les exécutions pour des affaires de drogue ont repris dès la fin du moratoire, et leur nombre explose.
Amina, une Pakistanaise mère de six enfants, attend toujours le corps de son mari, exécuté en 2022 alors qu’il clamait son innocence. “Il avait prouvé qu’il n’était même pas sur les lieux du crime, mais cela n’a rien changé”, raconte-t-elle. Aujourd’hui, elle ne réclame plus que le droit de lui offrir une sépulture. “Nous voulons juste une tombe sur laquelle nous recueillir.”
Si des Saoudiens sont également condamnés, les étrangers apparaissent comme les premières victimes d’un système judiciaire où les condamnations tombent sans avertissement et où les corps disparaissent dans le silence. Pour ces familles, la peine de mort ne signifie pas seulement la perte d’un être cher : elle se transforme en un combat sans fin pour obtenir un dernier adieu.
La Rédaction

