La Cour pénale internationale (CPI) a franchi une étape cruciale en annonçant son intention de poursuivre les hauts dirigeants talibans pour des crimes contre l’humanité. Karim Khan, procureur de la CPI, a déclaré le jeudi 23 janvier qu’il allait demander des mandats d’arrêt contre Haibatullah Akhundzada, leader suprême des talibans, et Abdul Hakim Haqqani, chef de la justice du régime. Les accusations portent sur le “crime contre l’humanité de persécution liée au genre”, en réponse à l’oppression systématique des femmes en Afghanistan.
Une reconnaissance du “genre” dans le droit international
Karim Khan a souligné qu’il existe des “motifs raisonnables” de suspecter que ces dirigeants talibans orchestrent une politique délibérée visant à exclure les femmes de la vie publique. Depuis leur retour au pouvoir en août 2021, les talibans ont progressivement démantelé les droits fondamentaux des femmes, leur interdisant l’accès à l’éducation, à l’emploi et à la liberté de circulation. Cette exclusion systématique a été qualifiée par plusieurs organisations internationales comme un “apartheid de genre”.
L’initiative de la CPI est saluée par les défenseurs des droits humains. “C’est une avancée significative pour établir la responsabilité des auteurs de ces persécutions”, écrit Forbes, en soulignant que cette démarche pourrait inspirer d’autres institutions à agir contre les violations des droits des femmes à travers le monde.
Une situation alarmante en Afghanistan
Depuis la prise de Kaboul par les talibans, les femmes afghanes sont les premières victimes d’un régime ultra-conservateur. Elles sont bannies des écoles secondaires et des universités, empêchées de travailler pour des ONG et contraintes à des mariages forcés dans certains cas. Les interdictions de voyager sans tuteur masculin, ajoutées aux châtiments corporels pour celles qui enfreignent ces règles, illustrent un climat de répression sans précédent.
Les Nations unies et plusieurs ONG ont à maintes reprises dénoncé ces pratiques. En décembre dernier, un rapport de Human Rights Watch a alerté sur les impacts psychologiques et économiques de ces politiques sur les femmes et leurs familles. Le chômage forcé des femmes employées dans des secteurs vitaux comme l’éducation ou la santé aggrave également la crise humanitaire du pays.
Des perspectives limitées mais cruciales
Bien que l’initiative de la CPI soit une avancée symbolique majeure, son efficacité dépendra de nombreux facteurs. Les dirigeants talibans, enfermés dans une idéologie qui rejette la légitimité de la CPI, n’ont aucun intérêt à collaborer avec les institutions internationales. De plus, l’absence de coopération avec certains États, en particulier ceux qui ont une influence sur les talibans, risque de compliquer la mise en œuvre des mandats d’arrêt.
Cependant, la mobilisation internationale est essentielle pour maintenir la pression sur le régime taliban et signaler que de telles violations des droits humains ne resteront pas impunies. Selon des experts, cette démarche pourrait également encourager les survivantes à témoigner et à faire entendre leur voix face aux injustices subies.
Un enjeu de justice globale
Le cas afghan pourrait créer un précédent important dans la reconnaissance des persécutions liées au genre comme crime contre l’humanité. En mettant en avant les droits des femmes sur la scène internationale, la CPI envoie un message fort : l’oppression des femmes, quelle qu’en soit la justification idéologique ou culturelle, est une violation grave du droit international.
Si les mandats d’arrêt sont émis, ce sera une étape décisive pour les femmes afghanes, mais aussi pour toutes les victimes de discriminations systémiques à travers le monde. Reste à voir si cette initiative déclenchera un mouvement global de justice ou restera un symbole d’intention dans un contexte de défis géopolitiques complexes.
La Rédaction