Le Maroc semble gagner du terrain dans le dossier du Sahara occidental, non plus par la force des résolutions, mais par la puissance des alliances économiques. La récente visite de l’ancien président sud-africain Jacob Zuma à Rabat, ponctuée d’un appui inattendu à la position marocaine, illustre une dynamique nouvelle sur ce vieux conflit. En coulisse, c’est une diplomatie du donnant-donnant que le royaume chérifien mène avec efficacité, séduisant un nombre croissant de pays africains, pendant que la République arabe sahraouie démocratique (RASD) lutte pour maintenir ses soutiens historiques.
Un soutien de poids, mais non étatique
En se rendant au Maroc et en validant le plan d’autonomie proposé par Rabat pour le Sahara occidental, Jacob Zuma a provoqué une onde de choc à Pretoria. Car celui qui fut le porte-drapeau de la cause sahraouie durant sa présidence en Afrique du Sud défend aujourd’hui une position diamétralement opposée. Si le gouvernement sud-africain a vite pris ses distances, affirmant que la politique étrangère du pays reste inchangée, cette sortie n’est pas anodine : elle reflète une recomposition des alliances régionales, où les convictions idéologiques cèdent peu à peu la place aux opportunités économiques.
Le levier économique comme moteur d’influence
Le Maroc ne cache plus sa stratégie. Plutôt que d’attendre des résolutions de l’ONU sur un hypothétique référendum d’autodétermination, Rabat mise sur le temps et les partenariats. Coopération agricole, investissements en énergies renouvelables, tourisme, phosphate : les leviers sont nombreux. Et dans une Afrique où les besoins en financement et en développement sont urgents, les pays séduits par cette diplomatie pragmatique se multiplient.
Le Ghana et le Kenya, deux poids lourds du continent, ont récemment affiché leur proximité avec la position marocaine. Des annonces faites dans des communiqués conjoints avec Rabat, sans que leurs gouvernements respectifs n’en fassent une communication autonome – ce qui en dit long sur la prudence qui entoure ces basculements.
L’Union africaine, théâtre d’un recul discret de la cause sahraouie
Depuis le retour du Maroc au sein de l’Union africaine en 2017, l’organisation continentale évite le dossier. En déléguant la question du Sahara occidental à l’ONU, l’UA a acté un désengagement progressif. Si l’Algérie et l’Afrique du Sud restent fermement engagées auprès de la RASD, l’émotion qui entourait autrefois la cause sahraouie s’est estompée dans les débats panafricains.
Même si l’Algérie a réussi à bloquer récemment les ambitions marocaines au sein de l’UA, en conservant la présidence tournante du Conseil de paix et de sécurité, les victoires diplomatiques sont aujourd’hui plus souvent à l’actif du Maroc.
Le poids du silence sahraoui dans une Afrique en mutation
Le front Polisario, qui incarne les aspirations indépendantistes sahraouies, peine à rivaliser. À l’exception de ses alliés historiques, il reste peu audible. Son principal argument reste juridique : seul un référendum organisé par les Sahraouis eux-mêmes peut trancher. Pourtant, Rabat n’envisage plus cette option, considérant que l’indépendance n’est plus négociable.
Cette posture ferme mais adossée à une offre concrète attire. Et dans une Afrique en quête de croissance, le soutien à la RASD, peu rentable diplomatiquement, tend à s’effriter. Le conflit devient périphérique, relégué derrière des urgences plus immédiates.
La diplomatie marocaine, qualifiée de “diplomatie du dollar” par certains, révèle une mutation du rapport de force sur le continent. À défaut d’un règlement onusien rapide, Rabat construit patiemment un réseau d’alliés, séduits moins par la légitimité historique de sa revendication que par les avantages qu’elle promet. La cause sahraouie, jadis symbole des luttes anticoloniales africaines, s’efface lentement sous le poids des réalités économiques et géopolitiques du XXIe siècle.
La Rédaction

