Dans le monde de l’art, les distinctions entre les différentes disciplines peuvent souvent prêter à confusion, notamment entre les artistes plasticiens et les artistes peintres. Pour éclairer cette différence et comprendre son importance dans le parcours artistique de chacun, nous avons le plaisir de recevoir Richard Laté Lawson-Body, un artiste plasticien reconnu pour son approche innovante et pluridisciplinaire.
Richard explore divers médiums et techniques artistiques, allant du dessin à la peinture, en passant par la photographie, la calligraphie et l’art numérique, dans le cadre de son concept unique du « tutoiement des infinis ». Ce terme représente une quête profonde des liens entre l’infini et la conscience humaine, intégrant une dimension philosophique à son travail.
Dans cette interview, Richard nous dévoile son parcours artistique, ses inspirations, et les défis auxquels il est confronté en tant qu’artiste plasticien. Il nous parle également des expositions marquantes auxquelles il a participé et de ses projets futurs. Nous explorerons comment il choisit les médiums pour ses créations et comment il combine son travail artistique avec ses collaborations dans le domaine littéraire. Enfin, Richard partagera ses réflexions sur les défis auxquels les artistes plasticiens togolais font face et le message qu’il souhaite transmettre aux jeunes artistes et aux pouvoirs publics.
Nous vous invitons à découvrir les réflexions d’un artiste dont le travail transcende les frontières traditionnelles de l’art pour toucher l’infini.
Pouvez-vous expliquer la différence entre un artiste plasticien et un artiste peintre, et ce que cela signifie pour vous en tant qu’artiste plasticien ?
Un artiste peintre se concentre principalement sur la peinture, utilisant divers types de peintures comme l’huile, l’acrylique ou l’aquarelle, et travaillant sur des surfaces telles que la toile, le papier ou le bois. Leur processus artistique implique souvent le dessin, la préparation des surfaces, l’application de la peinture et le vernissage. Les sujets de leurs œuvres peuvent varier énormément, allant de la figuration à l’abstraction, des paysages aux portraits. Un artiste plasticien, en revanche, englobe une variété plus large de pratiques artistiques. Ce terme inclut non seulement la peinture mais aussi la sculpture, le dessin, la photographie, l’installation, la performance, l’art vidéo, l’art numérique et d’autres formes d’art visuel. Un artiste plasticien peut travailler avec divers matériaux et techniques pour créer des œuvres qui peuvent être bidimensionnelles ou tridimensionnelles, statiques ou interactives. Pour moi, en tant qu’artiste plasticien, cela signifie que je ne suis pas limité à une seule forme d’expression artistique. Je peux explorer et expérimenter avec différents médiums et techniques pour donner vie à mes idées. Mon concept artistique, le « tutoiement des infinis », s’inscrit dans cette démarche pluridisciplinaire, me permettant de naviguer entre dessin, peinture, photographie, calligraphie et art numérique.
Pouvez-vous nous parler de vos débuts dans l’art et de ce qui vous a conduit à choisir cette voie ?
Mon parcours artistique a commencé très tôt. À l’âge de 9 ans, j’ai suivi une formation en calligraphie ancienne, ce qui a grandement facilité ma maîtrise du dessin et a marqué le début de ma passion pour les arts visuels. Depuis lors, mon cheminement artistique s’est déroulé de manière naturelle et fluide. Mes études universitaires en gestion m’ont offert une base solide, mais mon cœur a toujours été attiré par les arts. En grandissant, j’ai été de plus en plus fasciné par la capacité de l’art à exprimer les complexités de la vie et les mystères de l’univers. C’est cette fascination qui m’a conduit à me consacrer pleinement à l’art plastique. Mon engagement dans cette voie découle d’un désir profond de comprendre et d’explorer les dimensions invisibles de notre existence à travers divers médiums artistiques. Aujourd’hui, je navigue entre le dessin, la peinture, la photographie, la calligraphie et l’art numérique, cherchant constamment à repousser les limites de l’expression artistique et à toucher le cœur et l’esprit de ceux qui rencontrent mon travail.
Pouvez-vous nous parler de quelques-unes des expositions auxquelles vous avez participé et de ce que ces expériences ont signifié pour vous en tant qu’artiste ?
Mon parcours artistique est jalonné de nombreuses expositions qui ont toutes joué un rôle significatif dans mon développement en tant qu’artiste. Par exemple, ma participation à la Biennale RIPO (Rencontre Internationale de Peinture de Ouagadougou) en février 2024 au Burkina Faso a été une expérience incroyable. Cette biennale m’a permis de rencontrer et d’échanger avec des artistes de divers horizons, d’enrichir ma perspective artistique et d’exposer mes œuvres à un public international. En janvier 2023, j’ai eu l’opportunité de présenter mon travail à l’exposition collective « Western VOODOO » à la Galerie AF à Lomé. Cette exposition était particulièrement intéressante car elle explorait les thèmes de la culture et de la spiritualité africaine, des sujets qui me tiennent à cœur et que j’intègre souvent dans mes œuvres.Une autre expérience mémorable a été l’exposition collective initiée par l’artiste Barthélémy Toguo à la galerie Nosbaum Reding au Luxembourg en janvier 2022. Participer à cette exposition m’a permis de collaborer avec des artistes renommés et d’exposer mes œuvres dans un cadre prestigieux, ce qui a considérablement renforcé ma visibilité et ma crédibilité en tant qu’artiste. L’exposition collective à l’hôtel 2 Février à Lomé en avril 2022, parrainée par le Président de la République du Togo, a également été un moment fort de ma carrière. Non seulement elle a mis en lumière mon travail auprès d’un public influent, mais elle m’a aussi offert une plateforme pour contribuer à la promotion de l’art togolais sur la scène nationale. Ces expériences, parmi tant d’autres, m’ont non seulement permis de partager mon travail avec un public plus large, mais elles m’ont également offert des opportunités précieuses de croissance et de collaboration. Elles ont renforcé mon engagement à explorer de nouvelles formes d’expression artistique et à continuer à développer mon concept du « tutoiement des infinis ».
Pouvez-vous nous expliquer ce que signifie le « tutoiement des infinis » et comment vous l’incorporez dans vos œuvres ?
Le concept du « tutoiement des infinis » est au cœur de mon travail artistique et représente une exploration profonde des relations entre l’infini et la conscience humaine. Cette idée repose sur l’idée que chaque être humain, à travers ses expériences, ses émotions et ses perceptions, touche et dialogue avec des aspects de l’infini. Dans mes œuvres, j’incorpore ce concept en utilisant des motifs et des formes qui symbolisent l’interaction entre l’infiniment grand et l’infiniment petit. Par exemple, mes dessins représentant des volutes cellulaires ou des fibres internes créent des tensions et des oppositions géométriques qui évoquent à la fois la complexité de l’univers et les structures microscopiques. Ces éléments visuels visent à capturer l’essence des forces invisibles qui régissent notre monde et notre existence. En utilisant une variété de médiums, tels que le dessin, la peinture, la photographie, la calligraphie et l’art numérique, je cherche à représenter cette idée de dialogue continu avec l’infini. Chaque œuvre est une tentative de saisir un fragment de cette vastitude, de matérialiser une part de l’immensité à laquelle nous sommes tous connectés. Les couleurs, les textures et les compositions sont soigneusement choisis pour créer des expériences visuelles immersives qui invitent le spectateur à réfléchir sur sa propre place dans l’univers. C’est un engagement artistique à explorer et à représenter les liens profonds et mystérieux entre la conscience humaine et l’immensité de l’univers. C’est également une invitation à contempler notre existence avec un regard neuf, à reconnaître les infinis qui nous entourent et à trouver notre propre manière de les tutoyer.
Comment choisissez-vous le médium à utiliser pour chaque projet ?
Pour chaque projet, le choix du médium est un processus à la fois instinctif et réfléchi, guidé par une multitude de facteurs qui définissent et enrichissent mon œuvre. Mon approche repose sur une profonde introspection et une connexion intime avec l’essence de ce que je souhaite exprimer. Avant tout, je considère la nature du concept que je veux explorer. Le thème de l’œuvre, sa signification profonde et les symboles qu’elle doit évoquer orientent mon choix vers un médium particulier.
Pouvez-vous nous parler de votre série ‘Fibres et Formes’ et de ce qui vous a inspiré pour cette série ?
Il est essentiel de mentionner que la série « Fibres et Formes » est composée principalement de dessins. Depuis des années, j’ai développé et affiné mes techniques de dessin, un domaine dans lequel je me suis particulièrement investi en raison de ma maîtrise de la calligraphie. Mon parcours en calligraphie ancienne m’a fourni les bases techniques et artistiques nécessaires pour créer des œuvres qui allient précision et expressivité. Cette maîtrise me permet de créer des dessins détaillés et complexes, où chaque ligne et chaque courbe sont soigneusement pensées pour transmettre une profondeur émotionnelle et conceptuelle. La série « Fibres et Formes » représente un voyage artistique profondément personnel et philosophique, né de mon exploration continue des connexions entre la matière et l’esprit, la réalité tangible et l’univers métaphysique. Cette série trouve ses racines dans ma fascination pour les structures cellulaires et les formes organiques, qui symbolisent pour moi la complexité et l’interconnexion de la vie.
Vous êtes également reconnu pour vos illustrations d’ouvrages littéraires. Pouvez-vous nous expliquer comment votre travail en tant qu’artiste plasticien se combine avec ces collaborations dans le domaine littéraire ?
Mon travail en tant qu’artiste plasticien s’intègre de manière fluide et enrichissante dans mes collaborations littéraires, créant une symbiose entre l’art visuel et la littérature. Lorsque j’illustre des ouvrages, je cherche à capter l’essence et les émotions des textes à travers une approche visuelle unique qui complète et amplifie le récit écrit. Chaque projet d’illustration est une opportunité pour moi d’explorer une nouvelle dimension artistique. Je m’efforce de comprendre profondément le texte que je vais illustrer, afin de traduire ses thèmes, ses émotions et ses nuances en images. Cette compréhension me permet de créer des œuvres visuelles qui ne sont pas seulement décoratives, mais qui résonnent avec le contenu littéraire et enrichissent l’expérience de lecture. Mon travail d’illustrateur est profondément lié à ma pratique d’artiste plasticien. Il représente une extension de mon exploration artistique, un moyen de traduire des idées abstraites en images concrètes, et une opportunité d’enrichir la rencontre entre l’art visuel et la littérature.
Quels sont vos projets et aspirations à venir dans votre parcours d’artiste plasticien ?
Mes perspectives futures sont guidées par un désir constant d’exploration et d’innovation. Je suis particulièrement enthousiaste à l’idée de continuer à développer et à approfondir mes concepts artistiques, notamment à travers de nouvelles séries d’œuvres qui repoussent les limites de mon approche actuelle. Un de mes principaux objectifs est d’élargir mon champ d’expérimentation en intégrant de nouveaux médiums et techniques dans mon processus créatif. Je prévois de m’engager davantage dans des résidences artistiques internationales pour m’immerger dans des environnements artistiques variés et collaborer avec d’autres artistes et créateurs. Ces expériences enrichissantes me permettront d’élargir mes horizons et d’innover dans mes pratiques. Je souhaite également renforcer la visibilité de mon travail en participant à des expositions internationales prestigieuses et en explorant des opportunités de collaborations avec des institutions culturelles et des galeries reconnues. Mon ambition est de faire connaître mon travail à un public plus large, tout en continuant à développer des projets artistiques qui interrogent et enrichissent notre compréhension des formes, des fibres et de leur relation avec l’infini. En parallèle, je suis déterminé à poursuivre mon engagement dans l’éducation artistique en offrant des ateliers et des formations pour partager mes compétences et inspirer de jeunes talents. Je crois fermement que la transmission du savoir est essentielle pour la pérennité de l’art et l’émergence de nouvelles générations d’artistes. Enfin, je suis passionné par la recherche de nouveaux moyens de dialoguer avec le public, en utilisant l’art comme un outil pour aborder des questions sociales et universelles. Mon objectif est de créer des œuvres qui stimulent la réflexion et suscitent des échanges significatifs, tout en restant fidèle à mon concept artistique du « tutoiement des infinis ».
Quels sont, selon vous, les plus grands défis auxquels les artistes plasticiens togolais sont confrontés aujourd’hui ?
Les artistes plasticiens togolais se trouvent aujourd’hui face à plusieurs défis majeurs qui impactent leur pratique et leur reconnaissance. L’un des principaux obstacles réside dans le manque de structures et de soutiens adaptés pour la diffusion et la valorisation de leur travail. En effet, malgré la richesse et la diversité de la création artistique au Togo, les espaces d’exposition, les galeries et les institutions culturelles n’existent pratiquement pas pour soutenir efficacement les artistes plasticiens. Cette situation limite leur visibilité et leurs opportunités de présentation au public. En outre, les questions économiques jouent un rôle crucial. La difficulté d’accéder à des financements et des ressources pour la réalisation de projets artistiques constitue un frein important. Les artistes sont souvent contraints de financer eux-mêmes leurs œuvres et leurs expositions, ce qui peut être un obstacle majeur pour ceux qui ne disposent pas de moyens suffisants. Le manque de reconnaissance et de valorisation de l’art plastique dans la société togolaise est également un défi notable. Bien que l’art soit un élément central de la culture et de l’identité nationale, les artistes plasticiens ne bénéficient pas toujours du respect et de la reconnaissance qu’ils méritent. Les efforts pour éduquer le public et promouvoir l’art plastique en tant que composante essentielle de la culture sont très insuffisants. Il existe aussi un besoin pressant de formation continue et de développement professionnel pour les artistes plasticiens. Les opportunités de formation, de perfectionnement technique et d’échanges artistiques sont souvent limitées, ce qui peut freiner l’évolution et l’innovation dans le travail artistique. Nous, artistes plasticiens togolais, naviguons dans un environnement complexe, marqué par des défis économiques, structurels et culturels. Toutefois, malgré ces obstacles, il y a une résilience et une détermination remarquables parmi les artistes, qui continuent à créer et à innover avec passion. Le soutien aux artistes plasticiens togolais repose principalement sur deux initiatives importantes : le Fonds National de Promotion Culturelle (FNPC) et le projet européen TOGO CRÉATIF. Le FNPC joue un rôle crucial en offrant des ressources financières et des opportunités aux artistes locaux, contribuant ainsi à la réalisation de leurs projets et à la promotion de leur travail. De son côté, TOGO CRÉATIF est un projet européen qui vise à renforcer les industries culturelles et créatives au Togo, en apportant une aide précieuse pour le développement des infrastructures et des réseaux nécessaires à l’épanouissement des artistes.
Quel message aimeriez-vous transmettre à nos lecteurs aux pouvoirs publics et aux jeunes artistes qui aspirent à suivre vos traces ? Je suis profondément convaincu que l’art est un vecteur puissant de transformation et de développement. Pour les jeunes artistes, je voudrais dire : osez rêver grand et poursuivre vos passions avec détermination. Votre créativité est une richesse inestimable qui peut apporter des perspectives nouvelles et enrichissantes à notre société. Aux pouvoirs publics, je demande un soutien renforcé pour tous les artistes et en particulier ceux qui œuvrent dans des domaines conceptuels et expérimentaux. Il est crucial de créer des espaces adaptés pour l’expression artistique et de faciliter l’accès aux ressources nécessaires pour que les talents locaux puissent éclore et se faire reconnaître sur la scène internationale. Je tiens à exprimer ma sincère gratitude pour l’opportunité de partager mes réflexions et mon parcours à travers cette interview. C’est grâce à ce type de soutien et de visibilité que nous pouvons continuer à promouvoir et à valoriser la créativité dans toute sa diversité. Ensemble, nous pouvons construire un avenir où l’art et la culture occupent une place centrale dans nos vies et contribuent au rayonnement de notre société. Continuons à encourager et à valoriser la créativité sous toutes ses formes. Merci beaucoup.
La Rédaction
J’aime beaucoup la réflexion partagée de l’artiste et son son concept artistique « tutoiement des infinis » qui englobe tant et inspire tant.
Richard Laté est un aîné collègue qui me prodigue autant de conseils et m’encourage beaucoup pour mon développement dans le domaine artistique. Bien davantage de choses à lui dans ça carrière 🙌🏾
Je découvre toujours les œuvres de Richard avec plaisir…