Alors que la question du contrôle des armes reste au cœur des équilibres régionaux, l’Arabie saoudite manifeste une impatience croissante face à la gestion du monopole des armes au Liban. Entre frustrations diplomatiques, enjeux économiques et rivalités d’influence, Riyad fait désormais entendre sa voix de manière claire et nuancée.
Un signal diplomatique clair
Depuis plusieurs mois, des diplomates saoudiens laissent filtrer leur malaise concernant le « monopole des armes » au Liban, qui consiste à réserver à l’État le contrôle de toutes les forces armées. Pour Riyad, ce principe, bien que légitime sur le plan théorique, reflète aujourd’hui un déséquilibre : l’incapacité du gouvernement libanais à affirmer son autorité sur l’ensemble du territoire, notamment face à la puissance militaire du Hezbollah.
Selon plusieurs sources régionales, l’Arabie saoudite considère que cette situation fausse les rapports de force et limite l’efficacité de toute aide internationale. Elle conditionne désormais tout engagement à un véritable « retour de l’État » dans le domaine de la sécurité.
Riyad redéfinit sa politique d’armement
Ce mécontentement s’inscrit dans une révision plus large de la politique d’armement saoudienne. Dans le cadre de la Vision 2030, le royaume cherche à développer une industrie militaire nationale, réduire sa dépendance aux importations et rationaliser ses alliances. Cette transformation remet en question les pratiques anciennes fondées sur la diplomatie des contrats massifs d’armement.
Aujourd’hui, Riyad impose de nouvelles règles : limiter la dispersion des acquisitions, favoriser le transfert de technologies et garantir une cohérence stratégique en accord avec ses ambitions régionales. Dans ce contexte, le monopole des armes devient un marqueur politique : il traduit la volonté saoudienne de ne plus soutenir des États fragiles sans contrepartie en matière de souveraineté sécuritaire.
Un bras de fer feutré avec Beyrouth
Les signaux d’irritation de Riyad se multiplient. L’Arabie saoudite exprime sa déception face au manque de réformes concrètes au Liban, notamment sur le désarmement des groupes non étatiques. Pour le royaume, il ne s’agit pas d’ingérence mais d’exiger la cohérence nécessaire pour reconstruire le pays et relancer des investissements tout en assurant la sécurité.
Beyrouth, de son côté, tente de ménager ses partenaires tout en évitant une crise politique interne. Le gouvernement libanais réaffirme régulièrement son attachement au monopole des armes par l’État, mais ses marges de manœuvre restent limitées. Riyad demeure un partenaire financier et diplomatique incontournable, mais ses attentes créent une pression supplémentaire sur la scène politique libanaise.
Vers une recomposition des équilibres régionaux
Le mécontentement saoudien s’inscrit dans une évolution plus globale du Moyen-Orient : les monarchies du Golfe redéfinissent leurs alliances entre prudence stratégique et affirmation nationale. L’Arabie saoudite, plus assertive depuis la guerre du Yémen et le rapprochement avec l’Iran, veut désormais dialoguer en position d’égal avec les grandes puissances. Dans ce nouvel équilibre, le Liban n’est plus au centre du jeu, mais reste un test politique : la capacité des États arabes à imposer un monopole légitime de la force.
La Rédaction

