C’est un geste rare, presque spectaculaire, dans une région où les tensions s’expriment plus souvent par des communiqués que par des actes concrets. Le 7 avril 2025, l’Algérie a décidé de fermer son espace aérien au Mali, en réponse à ce qu’elle qualifie de « violations répétées » de sa souveraineté. En cause : un drone malien abattu fin mars, à la frontière sud, par les forces algériennes. Un incident que le ministère algérien de la Défense n’a pas laissé passer.
Une réponse militaire devenue diplomatique
Ce drone, abattu le 31 mars près de la région de Tamanrasset, a été perçu à Alger comme une provocation de trop. Selon les autorités algériennes, l’appareil aurait pénétré l’espace aérien national sans autorisation. Le silence de Bamako et l’absence d’excuses officielles ont renforcé le malaise. Résultat : l’Algérie a annoncé, par voie de télévision publique, une mesure radicale – interdiction immédiate de survol à tout aéronef en provenance ou à destination du Mali.
Cette fermeture ne s’applique pas uniquement aux vols militaires. Elle concerne aussi les liaisons commerciales, les avions humanitaires et les vols privés. Le message est clair : l’Algérie considère que ses lignes rouges ont été franchies.
Le Sahel en fracture
La réaction du Mali ne s’est pas fait attendre. Bamako, appuyé par ses partenaires du Conseil de l’Entente – Burkina Faso et Niger – a décidé de rappeler ses ambassadeurs en poste à Alger. Pour l’AES, qui défie désormais frontalement la CEDEAO et les anciennes puissances coloniales, cette fermeture du ciel représente plus qu’un désaccord sécuritaire : c’est une rupture politique.
Car derrière cet incident aérien, se dessine une fracture bien plus profonde. Depuis le retrait progressif de la France et le recentrage des alliances vers Moscou ou Ankara, les régimes militaires du Sahel cherchent à redéfinir leur souveraineté – au prix de confrontations croissantes avec leurs voisins.
Un ciel, plusieurs guerres
L’Algérie, qui s’était longtemps tenue à l’écart de la recomposition sécuritaire sahélienne, durcit aujourd’hui son ton. La création du Pacte d’Alliance des États du Sahel (AES), assortie de déclarations virulentes contre l’ordre régional, inquiète Alger. En refusant le survol malien, le pays ne défend pas seulement son territoire : il rappelle qu’il n’entend pas être marginalisé dans le nouveau jeu saharien.
Mais ce bras de fer aérien pourrait avoir des conséquences plus larges. Déjà fragilisées par l’effondrement des relations diplomatiques entre certains membres de la région, les coopérations sécuritaires s’étiolent. Et pendant que les avions restent cloués au sol, les groupes armés, eux, poursuivent leur progression dans les zones grises du Sahel.
La Rédaction

