L’art contemporain africain est un espace de dialogue entre héritage et modernité, un lieu où les traditions se métamorphosent pour mieux s’ancrer dans le présent. Ikram Ben Brahim incarne cette dynamique avec une approche transversale qui mêle recherche théorique, critique d’art et pratiques artistiques plurielles. Artiste visuelle d’origine tunisienne, universitaire et curatrice, elle construit une œuvre où les médiums se croisent, où la pensée interroge la matière, où chaque création devient un instant-éclair.

Un parcours jalonné d’engagements artistiques et intellectuels
Ikram Ben Brahim possède un parcours riche et multidimensionnel. Docteure en Sciences et Techniques des Arts, elle est également maître-assistante à l’Institut Supérieur des Beaux-Arts de Sousse, où elle accompagne les nouvelles générations d’artistes dans leur développement plastique et conceptuel. Son engagement ne se limite pas à l’enseignement : elle est fondatrice du collectif d’Arts Visuels « Plein’Art » et secrétaire générale de l’association « Saison africaine » à Montpellier, deux structures qui œuvrent à la promotion des arts visuels et à la circulation des artistes entre l’Afrique et l’Europe. Elle est aussi un maillon clé du développement artistique sur le continent africain et au Moyen-Orient, en tant que membre de la Fédération Artistique Afrique-France. Son implication se traduit par la direction artistique de plusieurs événements d’envergure, notamment la Rencontre Internationale d’Art Contemporain Gnanamaya au Burkina Faso et le carnaval international « Aoussou » en Tunisie, où elle est également vice-présidente en charge des relations internationales. Son influence s’étend bien au-delà de son pays d’origine. Elle a participé à des expositions collectives et des projets artistiques en Afriquetels que Ségou’Art (Mali), Dak’Art (Sénégal), RIANA (Abidjan), Kokutan’Art (Congo), RIAG (Bénin) – et en Europe, notamment en France et en Allemagne. Son œuvre « Éclat de paix » a d’ailleurs été installée à la Maison des Relations Internationales Nelson Mandela à Montpellier, marquant ainsi sa volonté d’inscrire son art dans une vision transcontinentale. En parallèle de son travail plastique, elle a approfondi sa réflexion critique en suivant plusieurs formations internationales, notamment en critique d’art sous la direction des professeurs Hélène Tissières et Yacouba Konaté au Mali, ainsi qu’en études curatoriales panafricaines avec le critique d’art Simon Njami. Son engagement a été récompensé à plusieurs reprises, avec le Prix spécial de la presse écrite dans le cadre du Grand Prix Francophilie des Médias (Cameroun, 2023) et le Prix spécial de la meilleure Artiste Femme au Salon d’Art Contemporain de Ségou’Art (Mali, 2024).


Une démarche artistique ancrée dans l’héritage africain
Au cœur de son travail, Ikram Ben Brahim développe une approche où les médiums se croisent : installation, tissage, peinture, photographie et vidéo composent un langage plastique où chaque discipline enrichit l’autre. Cette hybridation permet d’explorer de nouvelles dimensions visuelles et sensorielles, invitant le spectateur à une expérience immersive. Sa recherche artistique repose sur une interrogation fondamentale : comment les traditions africaines façonnent-elles notre identité contemporaine ? En intégrant des éléments culturels ancestraux, elle questionne notre perception du temps, de la mémoire et de la transmission. Ses œuvres sont autant d’espaces de réflexion sur le rôle des traditions dans un monde en perpétuelle mutation.

L’instant-éclair : capturer l’éphémère dans l’art
Parmi les notions-clés qui traversent son œuvre, celle de l’« instant-éclair » occupe une place centrale. Ce concept, à la fois philosophique et esthétique, s’intéresse à la manière dont un moment fugace peut se cristalliser dans l’art. Comment un éclair de lumière, une vibration éphémère ou un geste spontané peuvent-ils devenir le point de départ d’une œuvre qui résonne dans le temps ? Dans ses installations et peintures, elle travaille la matière et la couleur comme des traces de cette fulgurance, cherchant à capturer la puissance d’un instant tout en laissant place à l’interprétation du spectateur. Ses œuvres ne cherchent pas à figer une signification, mais à ouvrir des perspectives, à provoquer des prises de conscience.


Une pensée critique en construction
En parallèle de sa production artistique, Ikram Ben Brahim poursuit un travail de réflexion sur l’art contemporain africain. Ses écrits et conférences témoignent de sa volonté de repenser les cadres théoriques dominants et de proposer une approche ancrée dans les réalités du continent. Elle a publié deux ouvrages en Allemagne et continue de nourrir sa pensée en explorant les nouveaux territoires de l’art en Afrique. Son ambition est d’élaborer une philosophie conceptuelle propre,qui dépasse les classifications traditionnelles et offre une lecture renouvelée de l’art contemporain.


Entre enracinement et ouverture
Ikram Ben Brahim est une figure incontournable de la scène artistique africaine contemporaine. À la croisée des chemins entre pratique plastique, recherche théorique et engagement curatoriel, elle tisse une trajectoire où l’art devient un espace de questionnement et de réinvention. Son travail est une invitation à interroger notre rapport au passé et à envisager l’avenir sous un nouveau prisme. En conjuguant mémoire et fulgurance, tradition et modernité, enracinement et ouverture,elle inscrit son art dans une vision où le présent se construit à la lumière des héritages, mais sans jamais s’y enfermer.
Richard Laté Lawson-Body

