Loin des regards, à plusieurs kilomètres sous la surface, l’écologie benthique éclaire les mystères des abysses et alerte sur les menaces qui pèsent sur ces écosystèmes fragiles.
C’est quoi l’écologie benthique ?
L’écologie benthique est la branche de l’écologie marine qui étudie la vie sur et dans les fonds marins, à partir de 200 mètres de profondeur. On parle alors de la zone benthique, où la lumière du soleil ne pénètre plus. Contrairement aux espèces pélagiques, qui vivent entre la surface et le fond, les espèces benthiques habitent en contact direct avec le sol océanique : crevettes, coraux profonds, crabes yétis, éponges millénaires, requins lumineux…
À mesure qu’on descend, vers 4000 mètres de profondeur et au-delà, on atteint la zone abyssale, glaciale et totalement obscure. Là, les scientifiques ont découvert depuis les années 1970 des reliefs spectaculaires : montagnes sous-marines, canyons, sources hydrothermales riches en vie.
Une biodiversité menacée par la ruée vers les métaux rares
Les grands fonds marins cachent aussi des trésors convoités : les nodules polymétalliques. Ces galets riches en nickel, cobalt, cuivre, manganèse se forment en plusieurs millions d’années autour d’un noyau (coquille, dent de requin). On les trouve en particulier dans les plaines abyssales vers 4000 mètres, où la biodiversité benthique est pourtant d’une extrême sensibilité.
Moins de 5 % de ces zones ont été explorées, mais l’intérêt croissant pour ces ressources alimente un débat international. L’extraction de ces nodules menace non seulement la faune locale, mais pourrait également perturber les sédiments riches en carbone que l’océan stocke depuis des millénaires.
Entre science et exploitation : un équilibre fragile
Alors que la société canadienne The Metals Company teste déjà des “aspirateurs géants” capables de racler les fonds océaniques, la communauté scientifique alerte. Beaucoup de chercheurs – dont Jozée Sarrazin, spécialiste en écologie benthique à l’Ifremer – défendent une approche de précaution. L’exploitation non encadrée pourrait provoquer une perte irréversible d’espèces inconnues et relâcher du carbone séquestré, accentuant le changement climatique.
L’écologie benthique est bien plus qu’une science des profondeurs : c’est une vigie écologique qui scrute un monde aussi fascinant que vulnérable. Si les métaux des abysses éveillent des convoitises économiques, leur extraction pourrait causer des dommages aussi profonds que silencieux. À des milliers de mètres sous la mer, se joue peut-être une part décisive de notre équilibre planétaire.
La Rédaction

