Ce 9 mai 2025, Moscou s’apprête à célébrer le Jour de la Victoire dans un climat d’alerte maximale. Le traditionnel défilé militaire, devenu sous Vladimir Poutine l’un des rituels les plus chargés de symbolique politique et militaire, se tiendra dans une capitale verrouillée, où la peur d’une attaque ukrainienne hante les préparatifs.
La sécurité autour de l’événement est décrite comme “sans précédent”. À quelques jours du défilé, les autorités russes ont intercepté plusieurs drones près de la capitale, sans faire de blessés ni de dégâts, selon le maire Sergueï Sobianine. Mais l’incident confirme les craintes de Moscou : Kyiv a désormais la capacité de frapper loin derrière les lignes ennemies, y compris le cœur du pouvoir russe.
Une invitation sous haute tension
Face à cette menace, l’Ukraine a clairement averti les délégations étrangères : elle ne garantit aucune sécurité sur le territoire russe. “Ils sont responsables de votre sécurité”, a déclaré Volodymyr Zelensky, précisant que Kyiv ne pouvait prévoir ce que Moscou “pourrait faire à cette date”.
Des propos qui ont déclenché une passe d’armes diplomatique avec la Slovaquie. Le Premier ministre Robert Fico, notoirement proche de Moscou, a dénoncé une “menace déguisée” et affirmé qu’il appartenait à la Russie d’assurer la protection des invités. Pourtant, l’incertitude plane : Fico, qui a annulé plusieurs apparitions publiques ces derniers jours, pourrait renoncer à sa visite. Son homologue serbe Aleksandar Vučić, également pressenti, a quant à lui été hospitalisé à Belgrade après un malaise survenu aux États-Unis.
À ce jour, la Russie ne pourra compter sur aucun dirigeant européen majeur pour ce 80e anniversaire de la victoire sur l’Allemagne nazie. Mais elle aura l’honneur d’un allié de poids : le président chinois Xi Jinping, attendu à Moscou du 7 au 10 mai pour une visite officielle, prendra part aux commémorations. Sa présence envoie un signal fort, dans un contexte où l’isolement diplomatique de la Russie ne cesse de s’accentuer.
Des symboles en guerre
Le Jour de la Victoire, célébré chaque 9 mai depuis 1945, dépasse le simple souvenir historique. Il est, depuis l’ère Poutine, un levier de propagande massif. La Seconde Guerre mondiale y est exaltée à travers une lecture révisionniste : le “peuple soviétique” y aurait vaincu seul, et la “Grande Guerre patriotique” devient une matrice idéologique pour justifier l’invasion de l’Ukraine.
Poutine recycle ainsi le vocabulaire soviétique dans un narratif contemporain où l’agression militaire est présentée comme une nouvelle croisade antifasciste. L’attaque contre Kyiv est qualifiée “d’opération spéciale”, tandis que les rubans de Saint-Georges, les slogans comme “Nous pouvons le refaire”, font le lien direct entre 1945 et 2022. Ce culte de la victoire est devenu si obsessionnel qu’un néologisme péjoratif est né en Russie : pobedobesie, que l’on pourrait traduire par “mania de la victoire”.
Face à cette dérive, l’Ukraine a pris ses distances : depuis 2023, elle célèbre la fin de la guerre le 8 mai, comme la majorité des pays européens.
Une trêve rejetée, un ciel incertain
Vladimir Poutine avait proposé un cessez-le-feu de trois jours, du 7 au 9 mai. Kyiv a décliné l’offre, y voyant une tentative de façade pour redorer le blason d’une Russie de plus en plus isolée. Zelensky a dénoncé une “représentation théâtrale”, rappelant que Moscou a par le passé systématiquement violé les trêves temporaires.
Pendant ce temps, les attaques se poursuivent. À Sébastopol, en Crimée occupée, le défilé a été annulé pour la troisième année consécutive, après qu’un drone maritime ukrainien a détruit un avion russe Su-30 près du port de Novorossiisk — une première historique.
Tandis que les ouvriers de Moscou assemblent les décors du spectacle militaire, la Russie redouble d’efforts pour protéger l’image qu’elle veut renvoyer au monde. Mais derrière les blindés, les uniformes et les drapeaux, un autre message se profile : celui d’une Russie encerclée par les doutes, aux prises avec une guerre dont elle ne maîtrise plus totalement le récit ni le rythme.
La Rédaction

