La Cour constitutionnelle de Thaïlande a frappé un coup majeur sur l’échiquier politique du pays en démettant de ses fonctions le Premier ministre Srettha Thavisin, mercredi, pour une violation des normes éthiques de la constitution. Srettha, un magnat de l’immobilier devenu politicien, est le quatrième chef du gouvernement thaïlandais à être destitué par cette institution judiciaire en l’espace de 16 ans, illustrant ainsi la volatilité politique qui caractérise le pays depuis plus d’une décennie.
Les raisons de la destitution
La décision de la Cour constitutionnelle repose sur la nomination controversée d’un ancien avocat au sein du cabinet de Srettha. Cet avocat, dont l’identité n’a pas été précisée dans le communiqué, avait purgé une peine de prison avant sa nomination, ce qui constitue une violation des règles éthiques strictes stipulées dans la constitution thaïlandaise. En conséquence, la Cour a jugé que la nomination de cet individu ne respectait pas les critères exigés pour occuper un poste ministériel, rendant ainsi Srettha responsable de cette faute constitutionnelle.
La décision a été perçue par de nombreux observateurs comme une réaffirmation du rôle de la Cour constitutionnelle en tant qu’arbitre ultime de la légitimité du pouvoir exécutif en Thaïlande. Cependant, cette destitution soulève également des inquiétudes quant à la stabilité du gouvernement et à l’avenir de la coalition au pouvoir.
Conséquences politiques
Le renversement de Srettha Thavisin a le potentiel de déclencher une nouvelle phase de turbulences politiques en Thaïlande, un pays déjà marqué par une histoire récente de coups d’État, de manifestations massives, et de crises politiques répétées. En effet, l’éviction de Srettha pourrait mener à une réinitialisation de l’alliance gouvernementale, forçant les partis en place à redéfinir leurs alliances et à envisager la formation d’un nouveau gouvernement.
Les opposants à Srettha pourraient tenter de profiter de la situation pour obtenir plus de pouvoir ou pour provoquer des élections anticipées. De plus, le spectre de nouvelles manifestations populaires, notamment de la part des partisans du Premier ministre démis, plane sur le pays. La société thaïlandaise, polarisée et marquée par de profondes divisions politiques, pourrait à nouveau se mobiliser, exacerbant les tensions déjà palpables.
Une Cour constitutionnelle omniprésente
La destitution de Srettha Thavisin met en lumière l’influence considérable de la Cour constitutionnelle thaïlandaise dans la vie politique du pays. Depuis 2006, quatre Premiers ministres ont été écartés du pouvoir suite à des décisions de cette même Cour. Cet organisme judiciaire joue un rôle crucial dans la régulation de la politique thaïlandaise, agissant souvent comme un contre-pouvoir face aux élus.
Cependant, cette prééminence suscite également des critiques. Certains observateurs estiment que la Cour constitutionnelle a tendance à s’ingérer dans le processus démocratique, en écartant des dirigeants élus pour des raisons qui peuvent sembler techniques ou mineures. Cette perception d’une Cour qui agit parfois en faveur des élites conservatrices ou militaires renforce les soupçons de partialité et peut alimenter la défiance envers les institutions.
La destitution de Srettha Thavisin est un nouvel épisode dans l’histoire tumultueuse de la politique thaïlandaise. Alors que le pays s’enfonce dans une nouvelle incertitude politique, la stabilité de l’alliance gouvernementale et la réponse des acteurs politiques et du public seront cruciales pour déterminer l’évolution de la situation. Quoi qu’il en soit, cette affaire souligne une fois de plus l’importance du respect des normes constitutionnelles en Thaïlande, ainsi que le rôle déterminant de la Cour constitutionnelle dans le maintien de l’ordre politique, pour le meilleur ou pour le pire.
La Rédaction