Le ministère américain de la Défense traverse l’une de ses pires crises internes depuis des années. Au cœur de la tempête : Pete Hegseth, secrétaire à la Défense, accusé d’avoir partagé des plans militaires sensibles sur une messagerie privée avec des proches, dont sa propre épouse. L’affaire, révélée par CNN, soulève des inquiétudes profondes sur la gouvernance, la sécurité de l’information et l’atmosphère explosive qui règne actuellement au Pentagone.
Des informations militaires partagées dans un groupe privé
Selon plusieurs sources proches du dossier, Pete Hegseth aurait utilisé un second groupe de discussion sur l’application cryptée Signal — distinct du canal déjà sous enquête — pour transmettre des détails sur une opération contre les rebelles Houthis au Yémen. Ce groupe, composé d’une douzaine de personnes, incluait son frère, son avocat, mais aussi sa femme, Jennifer Hegseth, qui ne détient aucune autorisation de sécurité.
Initialement créé pendant la période de confirmation d’Hegseth au Sénat, ce canal de communication informel aurait perduré bien au-delà, devenant un outil de coordination officieux où circulaient des éléments sensibles. Le Pentagone a réagi dimanche par la voix de son porte-parole, affirmant qu’« aucune information classifiée n’a été diffusée ». Mais cette défense peine à convaincre, alors que la méfiance grandit jusque dans les cercles les plus proches du secrétaire.
Une série de limogeages inquiétants
Cette révélation intervient dans un climat déjà délétère. En quelques jours, Pete Hegseth a limogé trois hauts responsables de son cabinet : Dan Caldwell, son principal conseiller ; Darin Selnick, chef de cabinet adjoint ; et Colin Carroll, directeur de cabinet adjoint. Son chef de cabinet, Joe Kasper, a quant à lui été écarté de ses fonctions avant de démissionner. Tous étaient accusés — sans preuve formelle — d’être à l’origine de fuites internes.
Mais ces accusations sont contestées. Dans un communiqué commun, les trois responsables démis affirment n’avoir jamais fait fuiter la moindre information et dénoncent des attaques « sans fondement » portées contre leur intégrité. « Deux d’entre nous ont servi en Irak et en Afghanistan. Nous connaissons la valeur de la sécurité des données et nous l’avons toujours respectée », écrivent-ils. De son côté, l’ancien porte-parole de Pete Hegseth, John Ullyot, lui aussi récemment démissionnaire, confirme que les trois hommes n’ont pas été soumis au moindre test polygraphique, contrairement à ce qu’avait laissé entendre le Pentagone.
Une crise de gouvernance au moment le plus critique
La crise survient alors que les États-Unis sont engagés dans une campagne militaire de grande envergure au Moyen-Orient, et redéploient des forces en prévision d’un possible élargissement du conflit entre Israël et l’Iran. Dans ce contexte, les querelles internes et les purges administratives fragilisent la chaîne de commandement. « Malheureusement, après un mois catastrophique, le Pentagone ne se concentre plus sur la conduite des opérations militaires, mais sur des luttes intestines », déplore John Ullyot.
D’après plusieurs sources, Pete Hegseth soupçonne désormais certains hauts gradés militaires de chercher à le déstabiliser, tandis que l’enquête menée par l’inspection générale du département de la Défense pourrait encore révéler d’autres dérives. Des demandes auraient même été faites auprès du FBI pour enquêter sur les fuites, ce que plusieurs conseillers auraient déconseillé afin d’éviter une escalade judiciaire.
Un secrétaire affaibli, une institution fragilisée
Absent lors de rendez-vous diplomatiques récents, notamment la réception de son homologue français, Pete Hegseth semble en retrait, préférant déléguer les apparitions publiques à ses subalternes. Son silence alimente les spéculations sur une perte d’autorité, alors que même ses soutiens de la première heure commencent à prendre leurs distances.
« Même pour ceux qui l’ont soutenu, il est évident que le mois écoulé ressemble à une véritable implosion. Et cela devient un problème sérieux pour l’administration », conclut Ullyot.
La Rédaction

