Né en 1990, Moussa Sawadogo, alias Mouss Black, est un artiste plasticien burkinabé qui déploie une œuvre polymorphe, oscillant entre sculpture, peinture et dessin. Son parcours, jalonné d’expériences formatrices et de rencontres avec des figures marquantes de l’art contemporain africain, a forgé une pratique singulière qui questionne les frontières du réel et de l’imaginaire.

Une formation ancrée dans la matière
Mouss Black a développé son savoir-faire au sein de la Fondation Olorun à Ouagadougou, où il a appris l’art du métal, avant de perfectionner la taille du bois au centre d’art FARAFIKAN Design. Cet apprentissage technique lui a permis de maîtriser la fusion des matériaux et d’affirmer une esthétique propre, mêlant force et finesse. Saïdou Alceny Barry, critique d’art, décrit son travail comme « culturellement anthropophage », témoignant ainsi de sa capacité à assimiler diverses influences pour les retranscrire dans une vision personnelle et novatrice. L’artiste a effectivement côtoyé des créateurs de renom tels que Moussa Paré, Sougrinoma Dabilgou et Romain Nikièma, ce qui explique la diversité des supports et des médiums qu’il explore.

Un univers entre rêve et mysticisme
Mouss Black puise dans son environnement une matière artistique qu’il transcende pour explorer les marges de l’existence humaine. Ses créations, souvent inspirées du monde animal et du mysticisme, donnent naissance à des figures hybrides, mi-anthropomorphes, mi-zoomorphes. Il joue avec les proportions, les textures et les contrastes pour brouiller les repères et ouvrir une porte vers l’imaginaire collectif. Cette approche rappelle certaines traditions de l’art africain précolonial, où la représentation du corps et du monde spirituel ne s’inscrivait pas dans un réalisme figé, mais dans une dynamique d’interprétation et de suggestion. L’influence de l’expressionnisme est également perceptible dans ses formes distordues et la force expressive de son trait, rappelant les œuvres de peintres comme Egon Schiele ou Jean-Michel Basquiat. Lucien Humbert, fondateur de la Villa Yiri Suma à Ouagadougou, souligne cette volonté de dépasser le tangible : « Mouss Black est attaché à transgresser le réel immédiatement perceptible, pour révéler le mouvement, le souffle, la part invisible de notre existence au monde ». Cet intérêt pour l’invisible et l’intangible se reflète dans chacune de ses œuvres, qu’il s’agisse de sculptures monumentales ou de dessins subtils où le vide dialogue avec le plein.

Une reconnaissance internationale
Depuis plusieurs années, Mouss Black multiplie les expositions sur la scène nationale et internationale. Son travail a été présenté dans des lieux prestigieux tels que la Galerie Christophe Person à Paris, le Symposium international de sculpture sur granite de Laongo, ainsi que les Rencontres internationales de la peinture à Ouagadougou.Son talent a été récompensé en 2021 par le Grand Prix National de la Sculpture à Fada N’Gourma, confirmant ainsi son statut d’artiste incontournable de la scène contemporaine burkinabé. Ses expositions récentes, notamment « Univers onirique » à la Villa Yiri Suma et « Sur le papier » à la Galerie Christophe Person, illustrent la richesse et la complexité de son univers artistique.

Un artiste en quête perpétuelle
Autodidacte dans sa pratique du dessin, Mouss Black compose des œuvres graphiques à l’équilibre subtil, où le rythme plastique se construit dans un jeu de densité et de légèreté. Son « panthéon » de personnages hybrides, parfois aux confins de l’abstraction, témoigne d’une réflexion profonde sur la mutation et l’identité. À travers son travail, il perpétue une tradition artistique qui dépasse les frontières du continent africain. Son usage des contrastes et du mouvement évoque les recherches des futuristes italiens, tandis que sa manière d’intégrer le vide et le plein rappelle les principes du sumi-e japonais. Cette hybridation fait de Mouss Black un artiste résolument moderne, ancré dans une histoire de l’art qui traverse les siècles et les civilisations.

Ainsi, Mouss Black poursuit sa démarche artistique avec une vision audacieuse et une inventivité sans cesse renouvelée, s’inscrivant comme l’un des talents les plus prometteurs de la création contemporaine africaine.
Richard Laté Lawson-Body