Après les récentes manifestations à travers le Nigéria, la base de soutien du président Bola Tinubu dans le Nord semble vaciller. À l’approche de la saison électorale dans 16 mois, une question se pose : Tinubu réussira-t-il à rallier le Sud pour contrer ce que certains experts appellent une véritable tempête dans le Nord ?
Dans quelques jours, le vice-président du Nigéria, Kashim Shettima, va organiser une rencontre avec les leaders du Nord, une région devenue, de manière inhabituelle, le centre des manifestations #EndBadGovernance. Pour le Congrès progressiste (APC), au pouvoir, cette réunion est une chance de réévaluer son soutien dans une région qui lui a fourni au moins 60 % des voix lors des trois dernières élections.
Cependant, avec l’aggravation de la crise du coût de la vie suite aux réformes économiques du président Tinubu, la conscience politique dans le Nord s’est éveillée. Certains membres de l’administration craignent qu’un plan d’urgence ne soit nécessaire pour les élections de 2027, surtout si le Nord décide de voter selon des lignes identitaires.
Répétition du scénario Obasanjo ?
La situation de Tinubu rappelle celle d’Olusegun Obasanjo en 2003. À quelques mois des élections, Obasanjo avait dû faire face à une crise similaire. Bien qu’il ait remporté l’élection présidentielle de 1999 avec 62 % des voix, il avait perdu le soutien du Sud-Ouest, sa base électorale. La dynamique a changé avant sa réélection, notamment à cause de sa position contre la charia, ce qui a affaibli sa popularité dans le Nord.
À cette époque, le général Muhammadu Buhari, fervent défenseur de la charia, est devenu un rival sérieux, déclenchant des émeutes dans certains États du Nord. Obasanjo, conscient de son affaiblissement dans le Nord, a alors renforcé sa base dans le Sud-Ouest en s’alliant avec les gouverneurs de l’opposition et en mobilisant des soutiens dans la région chrétienne du Centre-Nord, ce qui lui a permis de l’emporter.
Les défis actuels de Tinubu
Selon Farooq Kperogi, professeur d’origine nigériane à l’université Kennesaw State en Géorgie, la situation de Tinubu est encore plus délicate que celle d’Obasanjo. Cela s’explique par la popularité de Peter Obi, du Parti travailliste, dans le Sud-Est et le delta du Niger. Obi a dominé dans ces régions, rendant difficile pour Tinubu d’utiliser la même stratégie qu’Obasanjo.
L’écrivain et journaliste Festus Adedayo estime que, contrairement à Obasanjo, Tinubu ne dispose pas d’une base de soutien solide dans le Sud-Est. En effet, les tensions ethniques entre le Sud-Ouest et le Sud-Est se sont exacerbées, rendant improbable une alliance entre ces régions.
Stratégies de l’APC et perspectives
L’APC cherche à renforcer ses positions dans le Sud-Est et le delta du Niger en attirant davantage de gouverneurs dans son camp. Actuellement, seuls trois des onze États de ces régions sont sous contrôle de l’APC. Le parti tente aussi de récupérer l’État de Rivers, dont l’ancien gouverneur, Nyesom Wike, est désormais membre du cabinet de Tinubu malgré son appartenance au PDP.
Les élections à venir dans l’État d’Edo offrent également à l’APC une occasion d’élargir sa base électorale. Cependant, comme le souligne Abimbola Adelakun, professeure à l’Université du Texas à Austin, le Sud du Nigéria n’est pas homogène, et chaque État aura sa propre stratégie pour que Tinubu puisse gagner. Selon elle, il est peu probable que Tinubu parvienne à s’imposer dans le Sud-Est.
L’analyste Jide Ojo affirme que, bien que les élections au Nigéria soient souvent influencées par des facteurs tribaux et religieux, le scrutin de 2027 sera probablement déterminé par des questions plus fondamentales, telles que la gestion de la crise du coût de la vie. Si Tinubu parvient à améliorer la situation économique, il pourrait obtenir un soutien plus large, au-delà des considérations ethniques et religieuses.
La Rédaction