Dans les régions septentrionales du Cameroun, les chefferies, autrefois bastions exclusivement masculins, accueillent désormais des femmes parmi leurs notables. Une avancée considérable qui bouleverse les codes de la tradition et marque une étape importante dans la reconnaissance du rôle des femmes dans la société locale.
Ce changement audacieux découle des efforts de l’Association des Femmes et Filles de l’Adamaoua (Affada), qui, au fil de ses interventions sur le terrain, a constaté un besoin crucial d’inclure les femmes dans la gestion des affaires communautaires. Sous l’impulsion de cette organisation, des Lamidos ont accepté d’intégrer des femmes au sein des chefferies, offrant à ces dernières un espace de prise de décision inédit.
Une intégration sans précédent
Moussa Tchitoya, notable à la chefferie de 1er degré de Maroua, se souvient de son intronisation comme d’un événement historique : « Ce jour-là, c’était irréel. Jamais auparavant une femme n’avait reçu un tel honneur ici. Nous étions quatre femmes sélectionnées sur quinze candidates, et il m’a fallu convaincre mon époux pour qu’il accepte ce titre. »
Contrairement à leurs homologues masculins, chaque femme intronisée joue un rôle spécifique, basé sur son parcours exemplaire et son engagement en faveur des femmes et des jeunes filles. Ces notables féminines sont devenues des figures de proue du changement, soutenues par des partenaires comme le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA).
Des résultats concrets pour les communautés
Deux ans après leur intronisation, les femmes notables ont transformé leurs localités. À Mokolo, Hadja Kaïgama témoigne : « Avant, peu de filles allaient à l’école. Aujourd’hui, grâce à nos campagnes de sensibilisation, la majorité des villages scolarisent leurs filles. »
Les chefferies ont également vu affluer des femmes cherchant assistance pour des problèmes autrefois tus, comme les violences conjugales ou les fistules obstétricales. « Ces femmes viennent directement à nous. Nous les écoutons, les orientons et leur apportons un soutien concret. Ce rôle dépasse la tradition : il s’agit de répondre aux besoins urgents des populations », explique-t-elle.
Une révolution en marche
À ce jour, les trois régions septentrionales comptent près de 300 femmes notables, réparties dans les chefferies de 1er et 2nd degré. Ce mouvement, porté par Affada, s’est implanté dans les 18 principales chefferies du Nord, de l’Adamaoua et de l’Extrême-Nord.
Ce processus d’intégration représente bien plus qu’un symbole : il illustre un progrès significatif dans l’émancipation des femmes et leur participation active au développement des communautés. Cette révolution silencieuse démontre que tradition et modernité peuvent coexister pour bâtir un avenir plus équitable.
La Rédaction